Dépasser Einstein - L'héritage infernal

Avec la relativité générale et la mécanique quantique, Albert Einstein n'a pas seulement laissé deux théories géniales. Il a aussi légué deux visions du monde... incompatibles ! Ce qui n'est pas tolérable.

L'histoire est connue : au printemps 1905, le jeune Albert Einstein, alors employé à l'Office des brevets de Berne, en Suisse, publie deux articles - "L'Electrodynamique des corps en mouvement" et "Le Rayonnement et les propriétés énergétiques de la lumière" - qui, en révolutionnant notre vision du monde, vont faire entrer la physique dans son ère moderne et triomphante. Or, l'on sait moins qu'en bouleversant ainsi le payage de nos connaissances, le génial physicien a surtout planté un énorme point d'interrogation en plein coeur de la physique. Un point d'interrogation qu'il tentera jusqu'à sa mort d'effacer : le dimanche 17 avril 1955, sur son lit de l'hôpital de Princeton, aux États-Unis, il demande encore qu'on lui apporte de quoi écrire quelques lignes de calculs qui pourraient enfin ouvrir une piste.
En vain : il meurt à 1 h 35 du matin, laissant à d'autres le soin de trouver le fin mot de l'histoire. Un lourd héritage qui, cinquante ans plus tard, hante toujours les physiciens. Car en ce printemps 2005, le problème légué par le grand Albert demeure central en physique. Plus d'un millier de théoriciens à travers le monde y travaillent à plein temps, noircissant des pages de formules, avançant de surprenantes idées...

DEUX ENFANTS TERRIBLES

Certes, il y a plus de travaux publiés sur la supraconductivité, la turbulence ou la matière condensée, aux applications plus immédiates, mais tous les physiciens l'avouent : répondre à la question qui obnubila le physicien emblématique du siècle est le défi majeur. Parce que nul ne sait quelles fantastiques applications conférerait un tel savoir. Depuis Galilée au XVIIè siècle, le rôle des physiciens est en effet de mettre en équations les forces de la nature, de trouver les structures mathématiques capables de décrire la façon dont elles agitent la matière dans l'espace et dans le temps. Or, de forces, quatre ont été recensées à ce jour : la force gravitationnelle (qui fait tomber les pommes et tourner les planètes), la force électro-magnétique (qui fait bouger les aimants et briller les ampoules), la force nucléaire faible (responsable de la radioactivité) et la force nucléaire forte (qui assure la cohésion des constituants des noyaux atomiques). Et pour décrire ces forces, deux théories s'imposent depuis plus de quatre-vingts ans : la relativité générale pour la gravitation, et la mécanique quantique pour les autres. La première permet aux astronomes de modéliser le comportement de la mahère aux grandes échelles, celles des planètes, des galaxies et de l'Univers. La seconde permet aux électroniciens ou aux ingénieurs du nucléaire de comprendre la matière à des échelles infimes, celles des atomes, des noyaux, voire en dessous. Et c'est bien ici que surgit le problème légué par Einstein : alors que ces théories, aussi précises l'une que l'autre, n'ont jamais été prises en défaut, les mondes que chacune décrit ne se ressemblent absolument pas. Elles n'ont pas du tout la même façon de représenter les notions de base de la physique que sont la force, l'espace, le temps ou la matière. Pis leurs prévisions se révèlent parfois totalement contradictoires !
Et s'il y a une chose qu'Einstein n'a jamais supportée, c'est bien que la physique fondamentale puisse se fonder sur deux visions... incompatibles. Et ce, d'autant moins que c'est lui le père de ces deux enfants terribles, dont la conception remonte à ce fameux printemps 1905 et dont la grossesse dura respectivement dix et vingt ans. C'est en effet à partir de son article de 1905 sur l'électrodynamique des corps en mouvement (baptisé plus tard "relativité restreinte", avec son fameux E=mc²) qu'il édifia en 1915 la relativité générale. Et c'est à partir de son article sur le rayonnement et les propriétés énergétiques de la lumière que s'épanouit la mécanique quantique jusqu'à sa naissance officielle en 1925. C'est d'ailleurs en récompense de ses efforts pour promouvoir cette dernière qu'il recevra en 1921 son Nobel de physique. Mais, Albert s'interrogeait déjà sur sa progéniture : "Les champs électriques et gravitationnels ont-ils des caractéristiques réellement si différentes qu'il n'y ait aucune unité formelle à laquelle ils puissent être réduits ?" citait-il dans les "problèmes importants de la physique".

Points forts de la relativité générale
Points forts de la mécanique quantique
Elle englobe la théorie de la gravitation de Newton, qui n'est plus qu'une approximation. Elle prédit avec précision la déviation de la lumiére, l'évolution de l'Univers et la position des satellites autour de la Terre. Elle n'a jamais été prise en faute malgré 90 ans de confrontations avec les observations.
Elle est capable d'expliquer avec une extraordinaire précision toutes les étrangetés observées dans le monde microscopique. Elle est à la base de la plupart des technologies du XXè siècle, comme les lasers, les ordinateurs, les supraconducteurs et l'énergie nucléaire.

UNE PHYSIQUE SCHIZOPHRÈNE

Il croit donc qu'il y a une théorie à inventer. Un modèle mathématique cohérent et exhaustif capable d'unifier la manière dont la relativité décrit la gravitation et celle dont la mécanique quantique décrit les trois autres forces.
Pour la relativité générale, cette théorie de la gravitation tient en une seule équation, écrite en 1915 par Einstein et venue supplanter celle proposée par Isaac Newton 250 ans plus tôt. Leur objectif étant le même : modéliser la perturbation qu'engendre la présence d'un corps massif sur le mouvement des masses aux alentours. Désormais, tout n'est que "quanton" : quantons porteurs de la matière (électron, quark) ou quantons vecteurs de forces (comme le photon pour l'électromagnétisme ou le gluon pour la force nucléaire forte). Un nouvel objet représenté par une fonction mathématique a multiples paramètres (dite "fonction d'état") où même le hasard intervient. Les calculs menés dans l'univers très abstrait de ces fonctions mathématiques montrent que le quanton peut tantôt adopter un comportement d'onde, tantôt celui de corpuscule, tout en étant, a proprement parler, ni l'un ni l'autre... D'où il ressort une nouvelle vision quantique de la pomme : un ensemble de quantons aux formes floues qui évoluent plus ou moins au hasard dans l'espace et dans le temps.

Etabli au milieu des années 20 sur les pas d'Einstein par Niels Bohr, Werner Heisenberg, Enwin Schrodinger, Max Born, Wolgang Pauli et bien d'autres, ce corpus quantique avait, à l'origine, vocation à ne décrire que la force électromagnétique. Mais sa puissance a permis aux physiciens de découvrir les deux forces nucléaires. Et son avènement a été une révolution. Pas seulement théorique puisqu'elle a permis la mise au point des lasers, de la micro-informatique et de l'énergie nucléaire, sans oublier la mise au jour de tout le bestiaire de particules élémentaires du modèle standard... en plus de la mise à bas de toutes les images du monde élaborées par le passé.
Au final, le tableau apparaît cruel pour les amoureux de l'harmonie hormis leurs succès respectifs, tout semble opposer la mécanique quantique et la relativité générale. L'une considère la force comme un échange de quantons alors que l'autre la conçoit comme une déformation de l'espace-temps ; l'une voit l'espace-temps plat et statique, l'autre bosselé et dynamique ; l'une confère au hasard un rôle prépondérant, l'autre un rôle inexistant...
Même sur le vide, elles divergent : pour la mécanique quantique, c'est un lieu d'agitation féroce, dont l'énergie est colossale, voire infinie, pour la relativité générale, en revanche, c'est un endroit totalement plat et inerte qui ne contient aucune énergie.

L'IDEAL ? UNE GRAVITÉ QUANTIQUE

Ce n'est cependant pas le vide qui symbolise le mieux la discorde centenaire entre les deux théories... mais le trop-plein. C'est-à-dire le trou noir, ce corps massif qui s'écrase sur lui-même sous l'effet de son propre poids. À peine écrite, la relativité générale avait prévu leur existence. Mais simultanément, elle avait reconnu son incapacité à les décrire, l'équation d'Einstein divergeant vers des nombres infinis... Le trou noir était ainsi la preuve précoce que cette théorie n'est pas complète. L'écroulement du trou noir sur lui-même le fait en effet entrer dans le monde de l'infiniment petit régi par la théorie concurrente. Seule une description quantique de la gravité serait à même d'en décrire le destin. Autrement dit une gravité quantique", qui reste justement à inventer.

H.R. - SCIENCE & VIE > Avril > 2005

Dépasser Einstein - Quatre Théories pour un même défi

Solder enfin l'héritage d'Einstein ? Ils sont nombreux à en rêver. Or, si les pistes ne manquent pas, quatre sortent aujourd'hui du lot. Elles sont quatre. Quatre théories nées durant ces vingt dernières années et encore en gestation, quatre théories dont l'objectif est de marier les deux enfants terribles de la physique du XXè siècle. De réconcilier une bonne fois cette relativité générale et cette mécanique quantique si fâchées l'une avec l'autre et d'unifier la façon dont la première décrit la gravitation avec celle dont la seconde présente les autres forces de la nature.

La première piste, dite "théorie des cordes" est la favorite des physiciens. Celle dont l'exploration génère le plus de travaux. Et de loin. Surgie d'une équation écrite en 1968 par le physicien italien Gabriele Veneziano, elle prend le parti d'appliquer la théorie quantique non plus sur des objets ponctuels, mais sur d'infimes filaments, des "cordes", dont les vibrations sont susceptibles de faire émerger les équations de la relativité générale, ainsi que toute la panoplie de particules actuellement recensées.
La seconde piste - la "gravitation quantique à boucles" - est apparue en 1988 sous la plume de l'italien Carlo Rovelli et de l'Américain Lee Smolin. Son objectif est de réinterpréter la façon dont la relativité générale lie espace-temps et gravitation afin que, sans changer une seule équation, le formalisme quantique puisse lui être directement appliqué. Une attaque de front qui n'introduit aucun objet nouveau et qui, dans le coeur des physiciens, apparaît désormais comme la principale alternative à la théorie des cordes.
La troisième piste - la "géométrie non commutative" - est issue des travaux du mathématicien français Alain Connes depuis le début des années 80. L'idée, cette fois, est de repartir d'une interprétation algébrique de la mécanique quantique délaissée depuis longtemps, puis de la traduire en une nouvelle géométrie spatio-temporelle. Cette structure très abstraite génère alors spontanément la relativité générale et les particules connues. Une approche mathématique qui retient l'attention de plus en plus de physiciens.
Enfin, la quatrième piste - la "relativité d'échelle" - est née de l'intuition du Français Laurent Nottale en 1979. Elle suppose que la structure de l'espace-temps dépend de l'échelle à laquelle on le mesure. Elle s'attache alors à montrer que la relativité générale et la mécanique quantique ne sont que des approximations, valables à certaines échelles, d'une théorie supérieure. Un objectif partiellement atteint, ce qui en fait déjà un bel outsider.

La Théorie des Cordes

Et si le monde n'était qu'une symphonie à dimensions cachées ?

De minuscules filaments, tous identiques, dont les vibrations engendrent la diversité de notre univers : telle est la vision du monde que propose cette théorie qui, pour être encore à l'ébauche, tient aujourd'hui la corde. C'est même la théorie phare. La piste en laquelle la majorité des théoriciens placent leurs espoirs pour résoudre le problême séculaire de la physique fondamentale. L'idée qu'un bon millier de physiciens dans les plus prestigieux centres de recherche du monde tentent d'exploiter afin de réconcilier enfin la mécanique quantique et la relativité générale en une vision du monde unique et cohérente.
Bien que fondée sur des mathématiques d'une sophistication extrême, cette vision a l'élégance de la sobriété : la réalité de notre monde, à son niveau le plus fondamental, y apparaît comme une gigantesque symphonie résultant des vibrations de minuscules cordes toutes identiques. Des "cordes"? Selon cette théorie, les constituants ultimes de la matière - les électrons, neutrinos, photons ou quarks - seraient en effet de minuscules objets à une dimension, plus précisément des filaments possédant une longueur (très petite : de l'ordre de 10-34m), mais sans aucune épaisseur, et vibrant comme les cordes d'un violon. De la même façon que d'un même instrument de musique peut jaillir une multitude de notes, les différents modes de vibration de ces cordes suffiraient à générer tout le bestiaire de particules élémentaires référencées dans les tableaux des physiciens. Précision, au demeurant difficilement imaginable : dans cette vision, ces petits filaments ne cantonneraient pas leurs mouvements aux trois dimensions de l'espace usuel, mais s'étendraient dans 9 dimensions spatiales liées à une dimension temporelle. Pourquoi neuf ? Tout simplement parce que les calculs conduisent à des incompatibilités si l'on emploie moins de dimensions !
Un profane peut rester sceptique devant une telle vision du monde. Pourquoi n'observe-t-il pas les extra-dimensions que cette théorie met en scène ? Les spécialistes ont plusieurs réponses possibles. Peut-être que, à la différence de nos trois dimensions spatiales traditionnelles qui s'étendent à l'infini, les extra-dimensions sont si petites et enroulées sur elles-mêmes qu'elles sont invisibles à nos yeux. Et elles échapperaient aussi aux plus puissants microscopes en créant la même illusion qu'un fin tuyau d'arrosage déroulé qui, vu de loin, semble n'être qu'une ligne unidimensionnelle et non un cylindre à trois dimensions.

Points forts
Elle se fonde sur très peu d'hypothèses de départ.
Elle décrit toute particule élémentaire comme un même objet : une corde.
Elle engendre spontanément la relativité générale.

COURONNÉE PAR LES CALCULS

À moins, et c'est un autre scénario, que notre univers ne soit que l'interface entre des dimensions supplémentaires. Un peu comme si nous étions des amibes à la surface de l'eau, ne percevant ni l'intérieur de la mare, ni l'air extérieur", remarque Paul Windey, physicien à l'université de Paris VI. Dans ce cas, les cordes ne seraient capables de vibrer librement que dans nos trois dimensions, tandis qu'elles demeureraient coincées dans les six autres.
Autre question que le profane peut se poser : n'est-il pas sangrenu de supposer que les éléments de base de la matière, les cordes donc, soient des objets à une dimension ? Cela aussi peut sembler étrange, admet Paul Windey. Mais n'est-il pas tout aussi excentrique d'assimiler, comme on le fait en physique quantique, les particules à des 'points matériels', c'est-à-dire des objets sans aucune extension spatiale ?" "On a bien pensé à considérer les particules comme des objets à deux ou trois dimensions, ajoute Adel Bilai, chercheur à l'Ecole normale supérieure de Paris, mais on se heurte à des contradictions insolubles."
Car c'est d'abord par la puissance des calculs que la théorie des cordes s'est imposée comme favorite dans le coeur des physiciens. Pourtant, cette étrange conception de la matière n'était, à l'origine, pas destinée à servir une si grande ambition. Lorsqu'en 1968, dans un bureau du Centre européen de recherche nucléaire, le physicien italien Gabriele Veneziano jette pour la première fois sur le papier ce formalisme mathématique, il s'attache plus modestement à décrire le comportement d'une des quatre forces alors méconnue de la physique la "force forte", qui assure la cohésion des noyaux atomiques. Finalement, les travaux de Veneziano ne se révèlent pas pertinents pour décrire cette force. Tout aurait pu s'arrêter là. Sauf que son idée va se révéler d'une fécondité éblouissante, malgré un nombre d'hypothèses de départ très limité.
Quelles hypothèses ? La première assimile les particules élémentaires à des cordes. Autrement dit, des objets à une dimension, caractérisés par une certaine longueur et une certaine tension. La deuxième fait plonger ces cordes dans un espace-temps relativiste, c'est-à-dire reprendre les règles centenaires de la relativité restreinte édictées par Einstein qui formalise les lois de mouvement d'un corps. À cette différence près que cet espace-temps doit être envisagé avec 10 dimensions. On applique en outre à l'ensemble le formalisme quantique, cette manière si étrange de modéliser le comportement des objets microscopiques.
Bien que minimalistes, ces données initiales vont s'avérer suffisantes pour permettre au physicien d'étudier la vibration des cordes quantiques dans leur espace-temps relativiste. Surtout, miraculeusement, la mise en équation de ces ingrédients permet de prédire l'existence du photon, ainsi que d'une particule de masse nulle et de spin 2... Une information décisive pour le physicien : ces caractéristiques correspondent au graviton, cette hypothétique particule responsable de la gravitation, que la mécanique quantique cherche depuis des lustres à intégrer dans son corpus.

UN ACCÈS AU "PRÉ-BIG BANG"

La relativité générale que l'on croyaît incompatible avec les préceptes quantiques jaillit donc spontanément de la description de l'action de cette corde-graviton sur l'univers alentour. Le formalisme de la mécanique quantique, appliqué aux cordes, se révèle alors capable de décrire de façon cohérente les quatre forces de l'Univers, en englobant en son sein l'équation de la gravitation écrite par Einstein en 1915. De quoi dénouer le conflit séculaire de la physique théorique fondamentale. Signe de sa puissance : la théorie des cordes est capable de décrire avec précision le comportement des trous noirs, qui sont de véritables tests dans la quête d'une gravité quantique. Arguments en main, le physicien Stephen Hawking avait prédit dans les années 70 leur évaporation progressive : malgré leur formidable attraction gravitationnelle, ces monstres de l'espace dévoilés par la relativité générale doivent émettre un rayonnement inattendu, dû à un effet quantique. Or, la théorie des cordes a montré en 1997 qu'elle retrouve ce phénomène par le calcul. "C'est notre plus beau résultat", s'enthousiasme Paul Windey.
Autre performance de la théorie des cordes : elle se marie avec la supersymétrie, un concept développé dans ces mêmes années 70 pour pallier les insuffisances du fameux "modèle standard", qui recense toutes les particules élémentaires. La supersymétrie associe à chaque particule de force (boson) une particule de matière (fermion) et vice versa. Or, introduire ce concept dans la théorie des cordes (qui devient alors théorie des "supercordes") a résolu des incohérences et restreint le nombre de dimensions supplémentaires. 26 dimensions spatiales étaient nécessaires sans elle ! Du coup, les cordistes attendent avidement la découverte de la première particule supersymétrique, qui pourrait être observée ces prochaines années dans des accélérateurs de particules comme le Tevatron du Fermilab près de Chicago, ou le futur LHC du Cern à Genève. Sans constituer une preuve, elle conforterait les physiciens dans leurs travaux, tout en leur fournissant des données précieuses pour affiner leurs calculs... Par ailleurs, les cordistes pensent pouvoir repousser un jour les frontières de la cosmologie ! C'est que les cordes semblent capables de donner acces au "pré-big bang" et d'éclairer enfin les origines de l'Univers.
Le hic, à l'heure actuelle, c'est que les cordes donnent trop de liberté aux théoriciens. Outre le graviton et le photon, les calculs prédisent en effet une immense quantité d'autres particules. Bien trop par rapport à ce qui semble être observable ! "On obtient une foule de solutions, qui sont autant de particules possibles... Il faut donc épurer les résultats et, pour ce faire, nous travaillons donc à rajouter des contraintes", explique Paul Windey.
De plus, pour l'instant, les calculs ne permettent pas d'obtenir la masse des particules qui en ont une, comme les quarks ou les électrons... Pourtant, la théorie des cordes devrait pouvoir faire émerger de ses équations tout le modèle standard, c'est-à-dire l'ensemble de toutes les particules connues, avec leurs caractéristiques (masse, charge, spin...). On en est encore loin ! "On aboutit pour l'instant à plusieurs types d'univers possibles. Mais il nous faut encore comprendre pourquoi le nôtre a émergé, et s'il en existe d'aufres, invisibles, quelque part !", note Gabriele Veneziano, nommé en février 2004 professeur au Collège de France, à Paris. Inutile de préciser que l'étude théorique de ces cordes n'est pas simple à réaliser. Un travail de titan, même, puisqu'il implique des développements mathématiques extraordinairement complexes.
D'autant plus qu'il existe plusieurs variantes de la théorie, selon que l'on considère les cordes ouvertes (aux extrémités libres), fermées (bouclées sur elles-mêmes), ou même hétérotiques (vibrant dans mi mode particulier).

FINALEMENT, ELLE POURRAIT S'ADAPTER À NOS 4 DIMENSIONS !

Il semblait d'ailleurs impossible de concilier ces différentes voies... jusqu'à ce qu'Edward Witten, de l'Institut des études avancées de Princeton, aux Etats-Unis, ne prouve en 1995 qu'elles n'étaient que différentes expressions d'une seule et même théorie fonctionnant mathématiquement avec 11 dimensions ! Baptisée théorie M (pour "mère" ,ou "mystère" ou encore "matrice"...), personne n'en maîtrise encore les paramètres.

C.B. et H.P. - SCIENCE & VIE > Avril > 2005
 
 

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