L'Origine du Temps
On a Vu Naître le Temps





J.-B.V. - SCIENCE & VIE N°1228 > Janvier > 2020

L'Origine du Temps

Selon nos connaissances actuelles, l'origine du temps commencerait avec la naissance de l'Univers. On peut l'estimer ou le mesurer à 13,7 Milliards d'années, lors du fameux Big-Bang. On ne peut mesurer le temps au-delà de cette limite, car on ne sait absolument pas "d'où", "de quoi", vient ce big-bang. Ce qui signifie qu'il n'est pas possible de remonter au-delà du Big Bang. On a bien quelques hypothèses, mais rien de plus, pour sans doute, le plus grand des mystères de tous les temps.

Les choses sérieuses commencent. "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?", comme se le demandait Leibniz.
Ce qui est une autre façon de poser la question : "d'où peut venir le temps, la réalité ?". D'emblée, nous sommes confrontés à des paradoxes et plongés dans la perplexité. En effet, logiquement, trois solutions se proposent à nous :

1) Vide : le temps proviendrait du vide absolu. Au sens propre, c'est incroyable. Le temps aurait surgi du néant dans un Big Bang. Le temps aurait en quelque sorte un commencement, mais un commencement déterminé par rapport à quoi ? Par rapport à "rien" !
2) Éternité : le temps existe depuis toujours, du moins sous une forme élémentaire, par exemple une singularité qui conviendrait à la théorie du Big Bang. Contrairement à la première hypothèse, le Big Bang n'est que le développement de quelque chose qui existe depuis toujours et qui n'a pas surgi du néant. Hypothèse en apparence aussi absurde que la première.
3) Infini : on ne pourrait trouver un moment premier au temps, mais le temps n'est pas là depuis toujours. Nous tombons dans le gouffre de la régression infinie, tout aussi incroyable que le vide absolu. Cela rejoint une façon de voir du physicien anglais Stephen Hawking pour qui le temps a un commencement, mais un commencement qui recule à l'infini.

Au fond, c'est une combinaison des deux autres hypothèses.
Pour ahurissantes qu'elles soient, ces hypothèses concernent toutes notre univers, et si l'on ne peut distinguer parmi elles celle qui est juste, il semble qu'il ne puisse y avoir d'autre solution. Dit autrement, la solution ne peut être aucune de ces trois hypothèses, mais il n'existe pas de quatrième hypothèse ; la solution ne peut donc être autre qu'une de ces trois hypothèses. Peut-on encore douter que le monde soit fou ?

La première antinomie de Kant

Le philosophe allemand Kant a développé ces hypothèses sous le nom d'antinomies de la raison pure.
Une antinomie, c'est l'expression d'une contradiction, un paradoxe. Dans son ouvrage : "Critique de la raison pure", un des livres les plus importants mais aussi les plus difficiles à lire qui aient jamais été écrits, Kant étudie le problème de l'origine du monde. Il oppose les deux propositions suivantes :

1) Le monde a un commencement dans le temps, et il est aussi limité dans l'espace.
2) Le monde n'a ni commencement dans le temps ni limites dans l'espace, mais il est infini dans le temps comme dans l'espace.

Comment accorder autant de poids à ces deux points de vue ?

Kant se contente de conclure qu'il n'est pas possible de départager ces deux points de vue sur l'origine et l'étendue du monde, qu'on ne peut rien faire d'autre qu'émettre ces deux hypothèses contradictoires.

Notons que Kant n'envisage que deux possibilités pour l'origine du monde, il n'envisage pas la possibilité de recul à l'infini du début du monde. Approfondissons l'étude de ces hypothèses.
La première envisage un commencement au temps, à l'univers. Dans un tel cas, il a fallu qu'une entité surgisse du vide absolu : - ce qui implique qu'elle puisse disparaître absolument. Cet événement constitue l'instant d'origine du temps et du calendrier universel, même si nous n'avons aucun moyen de le déterminer et pour autant que cela ait un sens.

Mais si le temps a eu un commencement, qu'y avait-il avant ?

Par définition, rien, absolument rien. Car s'il y avait du temps avant le temps, le temps existe depuis un temps infini. Rétro activement, il a donc fallu attendre un temps infini avant que le monde apparaisse (ce qui nous rappelle le recul infini dans le temps de la naissance de l'univers selon Hawking). Mais arrive-t-on à imaginer qu'il n'a fallu attendre aucun temps avant que l'univers apparaisse ? D'une certaine façon, cela signifie que le temps existe depuis toujours.

Si le temps a un début, il a, selon les observations des astronomes, plus ou moins 15 milliards d'années, selon notre échelle de temps cosmologique, soit l'âge du Big Bang.
D'un côté, on se dit que si une première entité a dû apparaître, c'est qu'il a fallu un temps vide avant, de l'autre, cela semble si absurde de parler de temps sans référence à rien que l'on se dit que l'être est depuis toujours déjà apparu, qu'il apparaît toujours déjà à chaque instant. Le temps n'a de sens qu'au présent, pas au passé ni au futur. C'est ce que semble nous suggérer l'image du temps comme un train infini, comme nous le verrons au chapitre suivant.

La question à se poser est : "La question de l'origine du temps a-t-elle un sens ?". Apparemment non, car le temps est sa propre origine. La question de l'origine du temps n'a de sens que dans le temps. Si on assimile le temps à l'être, l'être étant mouvement au même titre que le temps, la question de l'origine de l'être n'a pas plus de sens que celle de l'origine du temps. C'est ainsi que l'on se rend compte que la question "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien" est une fausse question car il n'y a pas "rien", on ne peut mettre "rien" sur le même pied que "être". À vrai dire, il s'agit de la même question. Mais c'est une nouvelle façon de l'envisager. Le plus troublant, c'est que nous parvenions à formuler des questions qui n'ont aucun sens et que nous soyons profondément convaincus qu'elles ont un sens, qu'elles sont même les seules questions qui aient un sens.

C.S.M. > Mars > 2002
 
 

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