Le Temps : Cosmique, Relatif , Humain

Le Temps : Cosmique, Relatif , Humain






SCIENCES ET AVENIR N°869-870 > Juillet-Août > 2019

Évolution de la Réflexion autour de la notion de Temps (Philosophie)

La fin du 19ème siècle et le début du 20ème siècle constituent un tournant dans l'histoire de la pensée scientifique et philosophique. Si la notion de temps a suscité les interrogations des plus grands penseurs de l'histoire, c'est au cours de cette période qu'elle a pris toute son ampleur.

D'abord Darwin a montré que l'homme et toute forme vivante étaient le fruit d'une évolution. Le physicien Hendrik Antoon Lorentz et le mathématicien Henri Poincaré ont pressenti que le temps était une notion relative avant qu'Einstein ne le démontre de façon indubitable. Sein und Zeit, l'œuvre essentielle de Martin Heidegger, l'un des philosophes les plus importants du 20ème siècle, tourne autour de la notion de temps. Toute l'œuvre de Bergson regorge d'observations pénétrantes sur la durée. Enfin, dans le domaine de la fiction, H.G. Wells a le coup de génie d'imaginer pour la première fois, en 1895, la possibilité d'un déplacement dans le temps à volonté grâce à sa "Machine à explorer le temps". Même si l'idée peut paraître extravagante, elle conditionne la plupart des œuvres de science-fiction qui vont suivre et qu'on ne dénombre plus. Certains la considèrent d'ailleurs comme la première œuvre de science-fiction.

D'aspect important d'une œuvre, chez Zénon, Aristote, saint-Augustin, Newton..., le temps est devenu le centre d'œuvres contemporaines importantes comme celles d'Hawking et de Prigogine. Au début du siècle, l'astrophysicien Eddington disait avec raison que le temps est "la suprême loi de la nature". Quant à Wells, il l'avait très bien compris et formulé dans ce qui est peut-être l'analyse la plus profonde sur le temps : "Est-ce qu'un cube peut avoir une existence réelle sans durer pendant un espace de temps quelconque ? Manifestement, tout corps réel doit s'étendre dans quatre directions. Il doit avoir Longueur, Largeur, Epaisseur et... Durée. Mais par une infirmité naturelle de la chair, nous inclinons à négliger ce fait. Il y a en réalité quatre dimensions : trois que nous appelons les trois plans de l'Espace, et une quatrième : le Temps. On tend cependant à établir une distinction factice entre les trois premières dimensions et la dernière, parce qu'il se trouve que nous ne prenons conscience de ce qui nous entoure que par intermittences, tandis que le temps s'écoule, du passé vers l'avenir, depuis le commencement jusqu'à la fin de notre vie".

Il y a de quoi rester sans voix devant une expression aussi claire d'un enseignement essentiel de la Relativité dix ans avant qu'Einstein ne la conçoive. Outre la question de savoir si Wells avait connaissance des travaux de Lorentz et Poincaré, qui constituaient un beau brouillon des travaux d'Einstein, une question intéressante consisterait à se demander si Einstein, Bergson ou encore Heidegger ont lu le livre de Wells, et dans quelle mesure il les a influencés. Notons que cette citation peut constituer une réponse critique à la philosophie qui sous-tend le célèbre ouvrage d'Edwin Abbott Abbott, "Flatland", extension de l'idéalisme platonicien, et qui ne considère pas que le temps soit une caractéristique propre au monde en trois dimensions, puisqu'il se manifeste dans des univers de dimensions inférieures.

C.S.M. - Juin > 2005
 
 

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