Phanérozoïque (4,058 à 4,6 Ga), -542 Ma à Aujourd'hui, D = 542 Ma

Paléozoïque de 4,058 à 4,25 Ga, de -542 à -250 Ma, D = 292 Ma

Carbonifère : 4,140 à 4,2 Ga, -360 à -300 Ma, D = 60 Ma

Voyage en Carbonifère


H.C. - COMMENT ÇA MARCHE N°138 > Mai > 2022

Présentation du Carbonifère

Le Carbonifère est un système géologique s'étendant de 359,2 ± 2,5 à 299,0 ± 1,8 millions d'années. Le Carbonifère suit le Dévonien et précède le Permien. Son nom provient des vastes couches de charbon qu'il a laissées en Angleterre et en Europe de l'Ouest.

La Pangée continue sa formation durant le Carbonifère, la température moyenne, stable pendant la première partie du Carbonifère se refroidit ensuite. La partie sud du Gondwana est recouverte d'un glacier continental, mais aux latitudes plus basses un environnement propice et riche en vie prédomine.
Cette période est caractérisée par les premiers grands arbres. Dans le nord-est de l'Amérique, les lits marins deviennent moins communs et sont presque inexistants vers la fin de cette période. La vie marine est riche en crinoïdes et autres espèces d'échinodermes. Les brachiopodes sont abondants. Les trilobites se sont raréfiés. Sur les terres, une population variée de plantes existe. Les vertébrés terrestres incluent de grands amphibiens et les premiers reptiles.

SUBDIVISIONS

Le Carbonifère est subdivisé en deux époques, le Mississippien et le Pennsylvanien :
+ CARBONIFÈRE (359,2 ± 2,5 à 299,0 ± 1,8 Ma, D = 60,2 Ma)
   - Mississippien (359,2 ± 2,5 - 318,1 ± 2,1 Ma, D = 41,1 Ma)
   - Pennsylvanien (318,1 ± 2,5 - 299 ± 2,1 Ma, D = 19,1 Ma)

PALÉOGÉOGRAPHIE

La baisse globale du niveau de la mer de la fin du Dévonien s'inverse au début du Carbonifère. Cette hausse du niveau de la mer crée des mers épicontinentales et les dépôts de carbonate du Mississippien. Une chute des températures se produit au pôle Sud et le sud du Gondwana est gelé ; il n'est pas certain que les glaciers sur ce continent soient nouveaux ou s'ils existaient déjà durant le Dévonien. Ces conditions plus froides ont peu d'impact aux latitudes plus basses où des marécages luxuriants sont communs.
Le niveau de la mer chute vers le milieu du Carbonifère, de nombreuses espèces marines sont touchées et s'éteignent, particulièrement les Crinoïdes et les Ammonites. Cet épisode marque la limite entre le Mississippien et le Pennsylvanien.
Le Carbonifère est une période d'orogenèse active, la Pangée est en cours de formation. Les continents de l'hémisphère sud restent liés dans Gondwana, tandis que ce supercontinent entre en collision avec la Laurussia le long de ce qui est actuellement la côte est de l'Amérique du Nord. La chaîne hercynienne en Europe et les Appalaches en Amérique du Nord se forment lors de cette collision. La plaque eurasienne se soude à l'Europe de l'Ouest au niveau de l'Oural. La plus grande partie de la Pangée est alors assemblée à l'exception de la Chine du nord et de l'Asie du Sud-Est. La forme de la Pangée à la fin du Carbonifère est celle d'un C quasi-fermé, au bord gauche épais ; presque celle d'un D. Il existe deux océans majeurs au Carbonifère, Panthalassa et Paléotéthys, à l'intérieur du C formé par la Pangée du Carbonifère récent. D'autres océans mineurs existent :
- Prototéthys, fermé par la collision du micro-continent de Chine du Nord et Siberia / Kazakhstania.
- L'océan Rhéique, fermé par la collision de l'Amérique du Nord et de l'Amérique du Sud.
- Le petit et peu profond océan de l'Oural, fermé par la collision de Baltica et Sibéria.

CLIMAT

Après le refroidissement amorcé durant le Dévonien, la température reste tiède et stable durant la première partie du Carbonifère, pendant la seconde partie du Carbonifère le climat se refroidit à nouveau. Le Gondwana, dans les latitudes hautes de l'hémisphère sud, est en partie couvert de glace, glaciation qui se poursuit au début du Permien. Laurussia est situé à des latitudes peu élevées et n'est guère touché par le refroidissement.

Climat et Continents du Carbonifère

Le carbonifère doit son nom aux formations de charbon d'Europe et d'Amérique du Nord. À cette époque, ces deux continents sont situés à de très basses latitudes (la France est à l'équateur). C'est également à cette époque que le Gondwana entre en collision avec la Laurussie. Il en résultera la vaste chaîne hercynienne et l'ultime soulèvement de la chaîne des Appalaches. Dans le méme temps, la partie sud du Gondwana est en position polaire : c'est le siège de la deuxième glaciation du paléozoïque. L'enfouissement d'une grande quantité de matière organique à l'origine des charbons ainsi que le processus d'aitération chimique de la chaîne hercynienne pourraient avoir induit une baisse du C02.
ROMAIN NIGITA - S&V Hors Série > Décembre > 2006

GÉOLOGIE

Les couches rocheuses datant du carbonifère en Europe et en Amérique du Nord consistent souvent en des séquences répétées de calcaire, grès, schiste et charbon. En Amérique du Nord, les dépôts de calcaire sont largement d'origine marine. Les dépôts de charbon du carbonifère ont fourni une grande part de l'énergie nécessaire à la révolution industrielle et reste encore de nos jours une ressource énergétique de grand intérêt. Les larges dépôts de charbon sont dus à deux facteurs :
- l'apparition d'arbres à écorces et en particulier ceux à écorces ligneuses ;
- le niveau des mers, peu élevé, comparé à celui du dévonien, qui a permis l'extension de vastes marécages et forêts en Amérique du Nord et en Eurasie.
On a émis l'hypothèse que l'enfouissement de grandes quantités de bois est dû au fait que les bactéries et les animaux n'étaient pas encore assez évolués, pour être capables de digérer et de décomposer les nouveaux ligneux. La lignine est en effet difficile à décomposer (écorce fossile de Lépidodendron, Graissessac, Hérault ->). De plus les plantes ligneuses de cette période comportaient un ratio écorce/bois bien plus important que de nos jours, 8 pour 1 à 20 pour 1, contre 1 pour 4 de nos jours. Les écorces devaient comporter entre 38 et 58 % de lignine. La lignine n'est pas soluble, elle peut rester dans le sol pendant des centaines d'années et inhiber la décomposition d'autres substances végétales.
L'enfouissement massif de carbone a pu conduire à un surplus d'oxygène dans l'air allant jusqu'à 35 %, mais des modèles révisés considèrent ce chiffre comme irréaliste et considère que le pourcentage d'oxygène dans l'air devait se situer entre 15 et 25 %. Des taux élevés d'oxygène sont une des causes avancés au gigantisme de certains insectes et amphibiens dont la taille est corrélée à leur capacité à absorber de l'oxygène.

CE QUI A RÉDUIT LA FORMATION DU CHARBON AU PERMIEN

Sans lui, il y aurait probablement beaucoup plus de charbon sur notre planète...
L'apparition, il y a environ 300 millions d'années, d'un champignon capable de décomposer de manière très efficace le bois mort serait en partie la cause d'un brusque déclin de la formation de cette précieuse ressource énergétique. C'est en analysant le génome de 31 espèces de champignons qu'une équipe internationale de scientifiques, menée par le biologiste Dimitris Floudas, de l'université Clark (États-Unis), a pu remonter jusqu'aux lointaines origines de leur capacité à dégrader le bois. Plus précisément, leur aptitude à détruire sa composante la plus coriace : la lignine. Responsable de la résistance et de la rigidité du bois, la lignine le protège également des attaques microbiennes. C'est elle qui favorise la préservation du carbone organique contenu dans les débris végétaux. De quoi expliquer la mise en place d'immenses gisements de charbon au cours du Carbonifère et du Permien (entre -360 et -250 millions d'années). Mais l'émergence de champignons capables de mettre à bas cette défense a changé la donne... En plus d'ouvrir une fenêtre sur ce passé lointain, ces travaux pourraient s'avérer utiles pour la fabrication de biocarburants de seconde génération. L'un des blocages, en effet, porte encore sur la dégradation de la composante ligneuse des végétaux.

S.F. - SCIENCE & VIE > Septembre > 2012

WIKIPEDIA > Septembre > 2010

Mississippien (inférieur) -359 à -318 Ma, D = 41 Ma

Le Mississippien est une époque ou série géologique, correspondant au Carbonifère inférieur. Il s'étend de 359 à 318 millions d'années.

Cette époque se décompose en trois étages :
- Tournaisien ou Mississippien ancien (359,2 ± 2,5 - 345,3 ± 2,1 Ma, D = 14 Ma)
- Viséen ou Mississippien moyen (345,3 ± 2.1 - 326,4 ± 1,6 Ma, D = 19 Ma)
- Serpoukhovien ou Mississippien récent (326,4 ± 1,6 - 318,1 ± 1,3 Ma, D = 8 Ma)

Animal Armageddon - La Fin de la Terre en Enfer (-360 Ma)

Temps Après Extinction du Dévonien Supérieur : + 10 Millions d'Années.

Dans un marée de Pennsylvanie, un banc de Bothriolepis (->) cherche de la nourriture. Cet étrange poisson est l'un des rares à avoir survécu. Il vivait dans des environnements très variés tout autour du globe, se qui a multiplié ses chances de survie.

Mais un prédateur agile l'a pris pour cible. Il ressemble au Tiktaalic éteint depuis longtemps, c'est l'un de ses descendant, une espèce clé dans l'histoire de l'évolution : l'Ichthyostega (<-). "Parmi les fossiles, c'est l'un des premiers vertébrés a posséder des doigts, il n'y a pas de trace de ses pattes avant, mais les pattes arrières avaient 7 doigts". Il ne respire plus que par des poumons, une cage thorasique plus robuste supporte son corps hors de l'eau, relachant la pression pulmonaire. Il peut donc inspirer plus profondement que le Tiktaalic, telle une baleine ou un dauphin, il vient chercher l'air à la surface avant d'attaquer. "Quand on y pense, dans un marée envahi par les racines et les branches, posseder des pattes s'avère très utiles, elles permettent de se dégager et d'avancer sous l'eau. Il sortait de l'eau, c'est certain, mais il est l'ancètre des premiers animaux capables de marcher sur Terre : les amphibiens", Dr Ward. L'Ichthyostega est aussi à l'aise sur Terre que dans l'eau.
En renaissant de ses cendres, la Terre change d'aspect et l'évolution marque un formidable tournant. Mais le noyau terrestre continue de se consummer, et notre planète n'est pas à l'abri d'un nouveau soubresaut de ses entrailles.

ANIMAL ARMAGEDDON N°2 > France 5 > Discovery Communication > 2009

La Conquête de la Terre

Il faut attendre un changement climatique majeur survenu il y a 370 millions d'années pour que l'évolution reprenne son cours. La terre se réchauffe et se couvre de marées et de végétations. Dans cet univers nouveau, les nageoires traditionnelles font parfaitement l'affaire. Mais avec le temps, une paire de nageoire commence à évoluer et des membres beaucoup plus adaptés à la végétation font leur apparition. Avec leur quatre pattes, ces toutes nouvelles créatures ont laissé un héritage considérable, qui s'est transmis à tout l'arbre de la vie et que l'on retrouve aujourd'hui. Ils sont les ancêtres de tous les vertébrés terrestres. Certains ont eu plusieurs doigts (7 ou 8), mais c'est la structure à 5 doigts et 4 membres, très ancienne, que tous les animaux terrestres ont hérité. (Exception, le cheval a un doigt, mais en gestation il en a 3).

Les poissons ont dû apprendre à respirer pour coloniser la terre. Certains pourtant sont capables de respirer comme nous, et ils le font depuis 400 Ma, comme le Dipneuste ->.
Pour leur grand passage de l'océan au rivage, les créatures marines ont donc toutes bénéficiées d'un ticket gagnant qui se résume à des poumons et des pattes. Il manquait cependant autre chose pour s'éloigner du rivage. Elles avaient besoin d'ombre et d'humidité. Alors, elles ont attendu qu'un autre groupe envahisse les lieues : les plantes.
Les premières plantes étaient des algues minuscules, et comme toutes les autres forme de vie, confinées à vivre dans l'eau. Pour coloniser la terre, elles durent comme les animaux, commencer par combattre le gravité. Elles développèrent un squelette constitué d'anneau de lignines, (équivalent des os chez les animaux). Elles purent alors quitter l'eau et tenir debout toutes seules. La lignine a apporté aux plantes la force de grandir et de se dresser pour capter la lumière du soleil. Et, petit à petit, la lignine s'est répandu pour remplir les parois des cellules et former du bois. Et le bois a permis aux plantes de grandir. Elles se sont développées, sont devenues géantes, les premiers arbres faisaient leur apparition. La lignine a engendré le bois, et le bois a donné naissance aux forêts ; sans elles, nous n'existerions pas. Les animaux à 4 pattes partent alors vers un monde nouveau, un univers ombragé et humide où ils peuvent vivre. C'était il y a 350 Ma.

Emission : "La conquète de la Terre" > France 5

Mississippien (Carbonifère Inférieur) -356 Ma

Géologiquement, la collision au carbonifère inférieur de la Laurentie (Europe et Amérique du nord) contre le Gondwana (Afrique et Amérique du sud) a produit les Appalaches à l'est de l'Amérique du nord et les monts Hercyniens au Royaume uni. La collision de la plaque sibérienne avec l'est de l'Europe créa l'Oural. (voir fig: http://www.scotese.com/newpage4.htm ->)

Le terme "Pangée" signifie "toute la terre". Bien que nous appelions le super continent qui fut formé à la fin de l'ère paléozoïque, "Pangée", il n'a probablement pas inclus tous les terrains qui ont existé à ce moment-là. Dans l'hémisphère Sud, de chaque côté de l'Océan Téthys, il y avait des continents qui furent séparés du super continent. Ces continents étaient la Chine du nord et du sud, et un long continent en forme "d'essuie-glace de pare-brise" a formé le continent connu sous le nom de Cimmérie. La Cimmérie se composait de la Turquie, de l'Iran, de l'Afghanistan, du Tibet, de l'Indochine et de la Malaisie. Il semble s'être écarté du plateau Indo - Australien, appartenant au Gondwana, pendant le Carbonifère supérieur - Permien inférieur. Pendant le trias supérieur, en même temps que les continents chinois, la Cimmérie s'est déplacée en direction du nord vers l'Eurasie, se heurtant finalement au plateau méridional de la Sibérie. C'était seulement après la collision de ces fragments asiatiques que ces terrains ont porté le nom de "Pangée".

Le terme de "Carbonifère" vient d'Angleterre en référence aux riches dépôts de charbon qui y furent découverts et qui dataient de cette période. Au carbonifère supérieur, des terres d'Amérique du nord (Middle West, Est des USA), d'Europe du nord, d'Asie furent alternativement tantôt émergées, tantôt immergées selon les glaciations. Ces conditions, luxuriante végétation qui régnait dans ces temps anciens où les arbres étaient gigantesques et où les plantes se trouvaient partout, permirent la production du houille, comme en témoignent les fossiles découverts dans les mines de houille, qui furent le lieu d'accumulation des sédiments servant de cimetière à cette flore. La matière végétale ne s'est pas délabrée quand les mers les ont recouvertes. Pendant des centaines de millions d'années, pression et chaleur l'ont transformée en houille.

En plus des conditions idéales pour le début de la houille, plusieurs événements majeurs biologiques, géologiques et climatiques se sont produits à cette époque. Il règne en Europe un climat chaud et humide favorisant le développement des forêts houillères, l'essor de nombreux arthropodes et l'avènement des reptiles (Pélycosaures). Une des plus grandes innovations de l'évolution fut l'ouf de l'amniote, qui a tenu compte de la future exploitation de la terre par certains tétrapodes. L'ouf d'amniote a permis aux ancêtres des oiseaux, des mammifères et des reptiles de se reproduire sur la terre ferme en évitant la déshydratation de l'embryon à l'intérieur de la coquille (->). Le climat plutôt tempéré s'accompagna d'une diminution des lycopodes (petite plante herbacée vivace de quelque 20 cm de haut) et des grands insectes et une augmentation du nombre de fougères géantes. http://www.gwu.edu/~darwin/BiSc151/Reptiles/Amniote_egg.gif

À cette période de la vie de la Terre, l'Europe et l'Amérique du Nord se situaient à l'équateur et formaient Euramerica. Les océans recouvraient une partie de ses continents. L'environnement est fortement marin. Cela a eu pour conséquence que la plupart des minéraux trouvés sont des calcaires composés des restes de crinoïdes, d'algues vertes ou de carbonate de calcium.

Emission : "La conquète de la Terre" > France 5

Au-Delà du Rivage : L'Appel des Forêts

Au Carbonifère, le niveau de la mer a déjà baissé et l'extension des milieux terrestres a isolé des plans d'eau.

Les tétrapodes, munis désormais de véritables membres flexibles, s'adaptent mieux que d'autres à ce nouvel environnement.

Dotés également de poumons, ils sont prêts à conquérir les immenses forêts de fougères arborescentes et de prêles géantes, tel Annularia (<- fossile).

Ses feuilles sont disposées de façon à capter le maximum de lumière.

L'exubérence du Carbonifère

C'est à cette période que se sont formés les grands gisements houillers rendus célèbres par Zola. En effet, le climat chaud et humide est propice au développement des grandes forêts (en bas à droite), dont les restes ont donné les veines de charbon... Le Massif Central se situait alors au niveau de l'équateur ! (milieu)
Fougère : Sphenopteris laurenti (en bas à gauche).

Retours à la Case Départ

Elles sont à peine sorties du cocon marin qu'elles cherchent déjà à s'y replonger : le retour à la vie aquatique de nombreuses espèces terrestres, tant animales que végétales, a de quoi surprendre. Regrets tardifs ? Disons plutôt opportunisme : "De nouvelles niches écologiques étaient à prendre", suppose Jean Dejax au Muséum national d'histoire naturelle. Et chez les végétaux, ce sont curieusement les plus évolués d'entre eux, les angiospermes, ceux qui s'étaient pourtant adaptés de la façon la plus parfaite à la vie sur la terre ferme, qui les ont investies sans vergogne.
Parmi ces adeptes du retour au bercail, la zostère, une herbe redevenue marine sur le tard, forme aujourd'hui de vastes prairies dans les estuaires. Au grand dam des espèces indigènes, qu'elle étouffe en consommant tout l'oxygène disponible, et des marins qui lui reprochent de s'emmêler dans les hélices de leurs bateaux.
D'autres angiospermes ont préféré l'eau douce, comme les Myriophylles, qu'on retrouve dans les ruisseaux mais aussi dans les aquariums. Citons encore les nénuphars, dont les plus anciennes graines connues ont environ 70 millions d'années : la grande jacinthe d'eau, qui constitue de vastes radeaux flottant sur certaines rivières d'Asie ou encore l'utriculaire, une plante carnivore. En revanche, l'autre grand groupe de végétaux terrestres évolués, les gymnospermes, dont font partie les conifères, n'ont apparemment pas eu le privilège de pouvoir reprendre pied dans l'eau. "Probablement en raison d'une adaptation à la sécheresse acquise de façon irréversible, leur interdisant tout retour en arriére", suppose Jean Dejax.

Comment les angiospermes ont-ils pu, de leur côté, coloniser à nouveau le milieu aquatique ?
Elles ne s'en étaient peut-être jamais veritablement éloignées", répond sans se mouiller Jean Dejax qui souligne que quitter l'océan ne signifie pas pour autant se couper totalement avec lui. Ces plantes ont pu se trouver sur des rivages régulièrement inondés", avance t-il en guise d'hypothèse.
Ces retours sont quoi qu'il en soit le plus souvent partiels. Chez un nénuphar, seuls la tige, les racines, les pétioles et la face inférieure des feuilles baignent véritablement dans l'eau. Les fleurs, elles, éclosent toujours à l'air libre. Et c'est en dispersant leur pollen aux quatre vents qu'il continue de se reproduire. La première des difficultés, pour cette plante a donc été de ne pas couler. D'où ces larges feuilles, recouvertes d'une cire qui les imperméabilise et dont la partie supérieure reste sèche, afin que les libellules et autres insectes puissent s'y poser et disperser le pollen. Quant à la partie immergée, elle a dû se recouvrir d'une cuticule suffisamment sélective pour ne laisser passer que la stricte quantité d'eau dont le nénuphar a besoin, lui évitant de gonfler comme du papier buvard.
Pour les faunes d'insectes et autres arthropodes qui pullulaient autour des marais. cette nouvelle végétation aquatique a vite constitué de nouveaux havres de verdure à conquérir. À la fois pour les espèces qui n'avaient jamais réellement quitté la mare, comme les éphémères ou les libellules, dont les larves ont toujours vécu dans l'eau, mais aussi pour celles qui s'étaient engagées vers une vie totalement terrestre. C'était le cas des premières mouches, dont certaines ont évolué en moustiques, insectes mal-aimés dont la larve se développe aujourd'hui dans l'eau stagnante. Les papillons eux embarrassent les entomologistes. Pourquoi ? Parce que ce sont des proches parents des trichoptères, plus communément appelés porte-bois. Ces insectes vivent sur la terre ferme, mais leurs larves évoluent dans les ruisseaux, s'entourant d'un fourreau de soie, qu'elles recouvrent de bouts de bois et de coquillages, à la fois pour se camoufler et pour protéger leur corps mou, ce qui leur dorme cet aspect caractéristique de petits bouts de bois. Or, les larves de papillons - les chenilles - sont pratiquement toutes terrestres. "Ce qui pose problème, explique André Nel, spécialiste des insectes au Muséum, c'est qu'on ne sait pas si l'ancêtre commun des papillons et des trichoptères avait une larve terrestre ou aquatique." En clair, si le papillon est un trichoptère qui a choisi définitivement la terre ferme, ou si le trichoptère est au contraire un papillon dont la larve a choisi de retourner vers l'eau. Et les tétrapodes ? Comme les végétaux et les insectes, ils ont fini à leur tour par reconquérir leur univers d'origine. D'abord les lacs ou les marécages. Et ce, dès le Carbonifère, c'est-à-dire au moment même où ils commençaient à peine à coloniser véritablement la terre ferme. Certains amphibiens perdent alors leurs pattes pourtant fraîchement acquises et leur corps s'allonge comme celui d'un serpent. Ce n'est que plus tard, au Permien, il y a environ 250 millions d'années qu'apparaîtront les premiers reptiles marins. Puis les retours à la mer se multiplieront : plésiosaures au Trias, qui peuvent atteindre jusqu'à cinq mètres de long, tortues... Et, enfin, grands mammifères marins, tels que les phoques ou les baleines, qui profiteront de l'absence de grands prédateurs, entre l'Eocène et le Paléocène (les grands reptiles marins ayant alors disparu), pour occuper la place. En parfaits opportunistes eux aussi.

Emmanuel Monnier - SCIENCE & VIE Hors Série > Décembre > 2000

Les Ailes de la Conquète

Premiers maîtres des airs, les insectes sont aujourd'hui les animaux les plus nombreux de la biosphère. Une domination vieille de centaines de millions d'années...

Il pleut doucement sur le marais. De fines gouttes luisent sur le tapis de mousses, au pied des jeunes pousses de lycopodes, à peine hautes d'un demi-centimètre. Nous sommes au Silurien ou au Dévonien, il y a environ 450 ou 400 millions d'années, peu après la première grande sortie des eaux. Ils sont déjà là, minuscules encore, blottis entre les grains de terre et les racines. à l'abri sous la couche de végétaux en décomposition dont ils se nourrissent. Les plus gros ne dépassent pas quelques millimètres. Ce sont les plus primitifs des insectes. Leur allure, pourtant, nous serait familière munis à l'arrière d'un petit organe du saut, la furca, pour échapper aux prédateurs, ils ressemblent comme deux gouttes d'eau aux petits collemboles (3mm) qui peuplent aujourd'hui nos sols.

D'autres, semblables aux actuels poissons d'argent, fourmillent probablement dans les eaux de ce marais du Dévonien. Certains de ces insectes primitifs sont peut-être carnivores, faisant leur pitance des cadavres d'animaux plus gros, scorpions ou mille-pattes, tombés alentour. Aucun, en revanche, ne semble s'attaquer encore aux plantes. Du moins pas avant qu'elles ne pourrissent, car ils ne peuvent probablement pas survivre aux toxines contenues dans les végétaux vivants.
Comment ces quelques bêtes à six pattes, si discrètes au départ, en sont-elles venues à "dominer" le globe ? Car les chiffres sont là. On compte aujourd'hui plus de 1,3 million d'espèces d'insectes décrites, dont 400.000 coléoptères (ordre des scarabées) 20.000 fourmis, beaucoup restent à découvrir : le nombre total d'espèces d'insectes actuels atteindrait, selon des estimations variables, entre 2 et 100 millions. Les mammifères actuels, à titre de comparaison, regroupent seulement 30.000 espèces. Quant aux fameux dinosauriens de l'ère secondaire, on n'en a recensé qu'un demi-millier. Soit pas plus que dans un tout petit ordre d'insectes actuels, celui des poux ! Omniprésents, les insectes occupent aujourd'hui toutes les niches écologiques, hormis les milieux vraiment marins. Et encore des punaises aquatiques vivent à la surface des océans Indien et Pacifique...

Bien sûr, une tellé domination ne s'est pas faite en un jour. Les insectes se sont diversifiés très tôt. Dès la fin de l'ère primaire, au Carbonifère, soit "à peine" 125 millions d'années après leur apparition, ils devaient déjà représenter au moins 60 % de la biodiversité. En quelques millions d'années, le groupe a littéralement explosé, laissant en plan ses principaux concurrents terrestres, que ce soit les autres arthropodes comme les araignées, les scorpions et les myriapodes (dotés eux aussi d'une carapace articulée et de trachées pour respirer), ou les vertébrés quadrupèdes. Leur secret ? L'atout maître qui leur permit de supplanter leurs concurrents ? Il serait inutile de le chercher du côté des infimes collemboles du Dévonien.
Leur groupe, celui des "aptérygotes" ou insectes dépourvus d'ailes, s'est réduit comme peau de chagrin. Ils ne représentent plus que 1 % des insectes actuels. Leurs cousins ailés ont depuis longtemps pris le dessus. Depuis, au moins, le milieu du Carbonifère...
L'invention des ailes est fort difficile à dater. Passé le Dévonien, le registre fossile présente cri effet un trou gigantesque, de quelque 45 millions d'années. Que s'est-il passé pendant ce laps de temps ? Comment les ailes ont-elles poussé aux insectes ? S'agissait-il de branchies modifiées, permettant aux premières bêtes aquatiques munies de tels appendices de faire de courts vols planés ? C'est une hypothese parmi d'autres. Un point est sur, cependant. Grâce à ces merveilles finement ornées de nervures, les insectes resteront seuls maîtres des airs pendant au moins 80 millions d'années, avant que les premiers lézards volants, bientôt suivis par les oiseaux, ne défient à leur tour les lois de la pesanteur.

ÉCHAPPER AUX PRÉDATEURS

À quoi ressemblaient les premiers insectes ailés ? Le registre fossile nous transporte au Carbonifère supérieur, il y a 310 ou 320 millions d'années. Le décor a changé. Aux petits marécages parsemés de quelques menues plantes a succédé une forêt luxuriante, chaude et humide, peuplée de prêles et de fougères arborescentes. L'Europe se trouve alors au niveau de l'équateur (et l'Afrique en Antarctique). La diversité en insectes y est déjà très grande. Les plus impressionnants sont sans conteste les libellules géantes Meganeura. Ailes déployées ces redoutables carnivores atteignent 60 à 70 centimètres d'enveroure (leur corps lui-même n'est pas démesuré : il fait 90 cm, soit la taille de certains insectes actuels). A peine plus discrets, les paléodictyoptères avec leur demi-mètre d'envergure et leurs six ailes ne ressemblent à rien de connu. Leur tête se prolonge par un long "bec", un rostre de 6 ou 7 centimètres que l'animal utilise pour piquer les fougères ou les prêles géantes, puis en sucer la sève.
Comment parvient-il à interrompre son vol pour se poser sur la plante, avec un tel engin à l'avant ? Mystère. Quoi qu'il en soit, dès cette époque les insectes ont résolu l'épineux problème de la toxicité des végétaux vivants. Ils ont, sans doute, modifié leur biochimie de manière à pouvoir dégrader les poisons ingérés. En témoignent les nombreuses traces d'atteintes visibles sur les végétaux : feuilles attaquées, tiges percées, graines entamées... Certains insectes doivent déjà parasiter les plantes en y pondant leurs oeufs, puisqu'on retrouve des cals sur les végétaux. D'autres, comme les premières "blattes", restent détritivores. Beaucoup d'insectes volants du Carbonifère, comme les Paléodictyoptères et les libellules les plus primitives, ont une caractéristique qu'ils garderont jusqu'à la fin de l'ère primaire. Ils possèdent six ailes, et non quatre comme les insectes actuels. Leur thorax porte en effet à l'avant, sur le premier segment, une petite paire d'ailes supplémentaire, qui disparaîtra chez les formes plus évoluées.
Qu'elles soient au nombre de 4 ou de 6, les ailes confèrent un avantage évolutif évident. Rois des airs, les insectes deviennent de facto maîtres des terres. D'abord parce qu'ils échappent aux prédateurs : scorpions, araignées et amphibiens ne jouent plus contre eux à armes égales. La menace vient désormais de leurs propres congénères prédateurs, comme les géantes Meganeura. Seuls à pouvoir voler, les insectes sont aussi les premiers à conquérir de nouvelles niches écologiques. Et elles ne manquent pas dans cette forêt exubérante. Par les airs, les insectes se déplacent vite, se repandent et atterrissent les premiers sur les terres vierges. Voler permet d'atteindre l'autre rive de la rivière, le sommet des arbres, d'accéder à des sources de nourriture auparavant inaccessibles...

PAR LAURE SCHALCIILI : Avec la participation d'André Nel, maître de conférences au Muséum national d'histoire naturelle.

Emmanuel Monnier - SCIENCE & VIE Hors Série > Décembre > 2000
 
 

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