Cénozoïque (± 4,435 à 4,508 Ga, - 65 Ma à Aujourd'hui, D = 65 Ma)

Quaternaire (± 4,497 à 4,5 Ga, -2,588 Ma à Aujourd'ui, D = 2,588 Ma)

Pléistocène (-2,588 Ma à -12 000 Ans, D = 2,576 Ma)

Le Pléistocène (du grec ancien pleistos, nombreux, et kainos, récent) est la troisième époque du système Néogène. Il couvre la plupart des glaciations récentes, incluant le Dryas récent qui est une brève fluctuation froide de la dernière déglaciation.

Le Pléistocène est précédé du Pliocène et suivi de l'Holocène. Il est la troisième époque du Néogène et la sixième du Cénozoïque. La fin du Pléistocène correspond à la fin du Paléolithique utilisé en archéologie. Depuis le 29 juin 2009, le Gélasien a été transféré du Pliocène au Pléistocène, ce qui remonte la limite de celui-ci à 2,588 Ma.

SUBDIVISIONS

Pléistocène (2,588 Ma à 12 000 Ans, D = 2,576 Ma)
   - Gélasien (2,588 ± 0,005 - 1,806 ± 0,005 Ma, D = 0,782 Ma)
   - Calabrien (1,806 - 0,781 Ma, D = 1,025 Ma)
   - Ionien (0,781 - 0,126 Ma, D = 0,655 Ma)
   - Tarantien (0,126 - 0,011 Ma, D = 0,115 Ma)

DATATION

Avec le Gélasien, le Pléistocène débute il y a 2,588 million d'années (± 5.000 ans) ; sa fin, il y a 11.430 ± 130 ans BP (Before Present), est définie comme 10.000 fois une année radiocarbone. L'année zéro conventionnelle des datations absolues étant 1950, la fin du Pléistocène se situe vers 9.600 ans av. J.-C.

L'International Commission on Stratigraphy a confirmé les dates mais n'a pas encore officialisé le choix d'une séquence type comme marqueur stratigraphique global (GSSP) pour la limite Holocène/Pléistocène. La séquence proposée se situe au Groenland par 75° 06' N 42° 18' W. La séquence stratigraphique de référence pour le début du Pléistocène est située à Vrica, à 4 km au sud de Crotone en Calabre.
Lors de sa création, le Pléistocène couvrait toutes les récentes glaciations connues mais certaines glaciations découvertes depuis se situent au Pliocène. En 2006, des discussions furent menées au sein de la communauté scientifique pour savoir s'il fallait reculer la date de début du Pléistocène vers 2,58 millions d'années, ce qui a abouti à l'incorporation du Gélasien.

PALÉOGÉOGRAPHIE

Les continents sont quasiment à leurs positions actuelles au début du Pléistocène, leurs positions relatives a changé de moins de 100 km depuis le début de cette période.

CLIMAT

GLACIATION : Le climat est caractérisé par des cycles de glaciation pendant lesquels des glaciers continentaux sont descendus jusqu'au 40 ème parallèle. Lors de l'extension maximale des glaces, 30 % de la surface de la Terre est couverte par les glaces. Le permafrost s'étend de la limite des glaces à plusieurs centaines de kilomètres plus au sud. La température annuelle à la limite des glaces est de - 6°C et de 0°C à la limite du permafrost.
Les effets des glaciations sont globaux. Dans l'hémisphère sud, l'Antarctique est couvert par les glaces durant tout le Pléistocène ainsi que pendant le Pliocène précédent. Le sud de la Cordillère des Andes est couvert par le glacier de Patagonie ; il existe des glaciers en Nouvelle-Zélande et Tasmanie ; les glaciers du mont Kenya, du Kilimandjaro et du Rwenzori dont il ne reste plus rien ou seulement des traces étaient très étendus. Les montagnes éthiopiennes et la chaîne de l'Atlas comportent aussi des glaciers.
Dans l'hémisphère nord de nombreux glaciers fusionnent pour former des glaciers continentaux. étendue des calottes et inlandsis de l'hémisphère nord lors du dernier maximum glaciaire (->). L'inlandsis scandinave s'étend jusqu'en Grande-Bretagne. Deux inlandsis couvrent une partie de l'Amérique du Nord. Les glaciers alpins descendent jusqu'à Lyon. Les avancées glaciaires produisent des glaciers continentaux d'une épaisseur de 1500 à 3000 mètres. Le volume de glace emprisonné est la cause de la chute du niveau de la mer de 100 m ou plus. Pendant les périodes interglaciaires les côtes noyées par la remontée des eaux sont fréquentes ; cette remontée des eaux est atténuée dans certaines régions par le rebond isostatique du plateau continental.
Lors de la dernière période interglaciaire de grands lacs se forment en Amérique du Nord. Le lac Bonneville, qui disparaît par évaporation et dont il ne reste de nos jours que des vestiges, se forme il y a 32.000 ans. Le lac Agassiz, de formation plus récente (13.000 ans), couvre plus de 400.000 km² et se vide périodiquement vers le golfe du Mexique ou la Baie d'Hudson. Les apports en eau douce froide vers l'Atlantique Nord ont un impact sur le climat européen.
Les dépôts continentaux de cette période sont trouvés principalement dans les grottes et le fonds des lacs ainsi que dans les grandes quantités de matériaux déplacés par les glaciers. Les dépôts marins sont localisés dans une zone de quelques dizaines de kilomètres des côtes actuelles. Dans quelques zones géologiques actives comme la côte sud de la Californie, ces dépôts marins peuvent se retrouver à une altitude de plusieurs centaines de mètres.

ÉVÉNEMENTS MAJEURS

Variations de la concentration en CO2 pendant une partie du Pléistocène, données extraites de carottage dans l'antarctique (->)

Quatre glaciations majeures ont été identifiées, séparées par des périodes interglaciaires. Ces événements sont définis différemment suivant les régions étudiées ; ils dépendent de la latitude, du terrain et du climat de la région. Il y a une certaine correspondance chronologique entre les glaciations des diverses régions, raison pour laquelle on parle d'événements climatiques globaux et que les noms qui se rapportent à des régions spécifiques ont longtemps été utilisés pour dénommer l'événement global lui-même. Cette classification est toutefois abandonnée aujourd'hui au profit de la chronologie isotopique.

PALÉOCYCLES

Les glaciations du Pléistocène présentent un caractère cyclique. L'hypothèse du forçage climatique par des variations de l'orbite terrestre est ancienne et est soutenue par des données expérimentales cohérentes. Le facteur principal des changements climatiques cycliques du Pléistocène est dû aux cycles de Milankovitch (->), mais ces cycles ne peuvent être la seule explication des variations climatiques : ils n'expliquent pas le début de ces glaciations successives.
Le nombre exact de glaciations pendant le Pléistocène est sujet à débat, tandis que quatre glaciations majeures sont clairement identifiées : les mesures du ratio des isotopes de l'oxygène, O18 / O16, qui varie en fonction de la température des océans, présent dans les calcites provenant de carottages océaniques montrent un bien plus grand nombre de variations climatiques depuis 2,5 millions d'années.

FAUNE

Les faunes marines et continentales étaient essentiellement modernes. Plusieurs espèces de grands mammifères telles que les mammouths, les mastodontes et les tigres à dents de sabre, ont disparu durant le pléistocène. Les extinctions ont été plus nombreuses en Amérique du Nord où, par exemple, les chevaux et les chameaux ont été éliminés.

HOMINIDÉS

Les premiers représentants du genre Homo apparaissent au Gélasien, il y a 2 à 2,5 millions d'années. Pour survivre, ils évoluaient en petits groupes sociaux d'une dizaine d'individus. Durant le Pléistocène, le genre Homo se diversifie et plusieurs espèces coexistent. à l'exception d'Homo sapiens, les représentants de ce genre disparaissent avant la fin du Paléolithique supérieur. Les déplacements de population durant le Pléistocène sont tributaires des grandes glaciations. Les méthodes de taille simples utilisées pendant l'Oldowayen sont remplacées par des méthodes plus complexes durant l'Acheuléen. La domestication du feu a lieu il y a environ 400.000 ans et est le fait d'Homo erectus.
La découverte récente d'un fragment de mandibule humaine vieux de 1,1 à 1,2 million d'années, sur le site d'Atapuerca en Espagne, a récemment fait reculer de 400.000 ans la date certaine de la présence humaine en Europe. Le fossile européen humain le plus ancien connu auparavant - découvert sur le même site - datait de 780.000 ans. Il pourrait s'agir dans les deux cas d'Homo antecessor, ancêtre possible de l'Homme de Néanderta. Le nouveau fragment étant proche de fossiles plus anciens (1,8 million d'années) découverts depuis 1983 à Dmanisi (Géorgie , Caucase), il pose la question d'une colonisation pré-humaine de l'Europe occidentale depuis l'Est plutôt que depuis le Sud.

WIKIPEDIA > Septembre > 2010

Une Supernova a Gelé la Terre il y a 2 Millions d'Années

B.R. - SCIENCE & VIE N°1189 > Octobre > 2016

Les Volcans ont Préservé la Vie à l'Âge de Glace

En maintenant hors des glaces certaines zones, l’activité géothermique due aux volcans aurait permis à de nombreuses espèces terrestres de survivre aux glaciations.

Une fois le climat redevenu plus clément, ces espèces auraient recolonisé les régions alentour depuis ces refuges géothermiques chauds. Pour tester cette hypothèse, des chercheurs australiens et britanniques se sont intéressés à l’Antarctique, peuplé de nombreuses espèces autochtones depuis des millions d’années, malgré des glaciations répétées. Pour comprendre comment elles ont survécu, les écologues ont analysé 43 sites de 100 km de diamètre, et ont découvert que la richesse de la biodiversité, plus grande aux abords des zones géothermiques, s’appauvrit à mesure que l'on s’en éloigne. Ceci révélerait une recolonisation progressive du continent, depuis la dernière glaciation, à partir de ces régions préservées. Néanmoins, si ces refuges ont été vitaux pour les mousses et les lichens, leur rôle dans la survie des invertébrés est moins clair. Quoi qu’il en soit, ils constituent des “hotspots” de biodiversité à protéger. Reste à vérifier que la même situation s’est présentée ailleurs sur la planète.

L.C. - SCIENCE & VIE N°1160 > Mai > 2014

L'Homme au Cœur des Glaciations

Changement d'ère, changement de climat. La Terre entre dans une succession de périodes glaciaires. Ces dernières, en abaissant le niveau de la mer, ouvre à l'Homo erectus, notre ancêtre africain, les routes du nord. La grande aventure humaine commence.

Le Midi de la France, il y a 640.000 ans (->). Le froid s'installe un peu plus chaque hiver. La forêt minée par le manque d'eau et le froid, a dépéri. En moins d'un siècle, les sombres chênaies qui couvraient le territoire ont laissé place à des steppes arides et froides. Les cerfs et les sangliers ont migré vers le sud, tandis que reviennent les troupeaux de grands herbivores. Les rennes parcourent la plaine à la recherche de mousses et de lichens. Ces troupeaux sont une aubaine pour les quelques tribus humaines qui vivent en Europe. Ils représentent leur principale source de nourriture, avec les mammouths, les bisons, les rhinocéros laineux. Même si leurs outils rudimentaires ne leur permettent pas encore de chasser les animaux adultes, ils attrapent facilement les jeunes bêtes et s'approprient les corps des adultes morts naturellement.
Quelques centaines d'années plus tard, le grand froid règne, amenant jusque dans ces régions méridionales des bœufs musqués et des saïgas, ces antilopes que l'on trouve aujourd'hui dans les steppes de l'Oural. L'hiver, les températures descendent à -30°C. Plus au nord, les glaciers s'étendent jusqu'à l'écosse et le nord des Pays-Bas. Les hommes qui s'étaient peut-être aventurés jusque-là sont redescendus à la recherche de températures plus clémentes. Le feu et sa chaleur leur échappent encore...
Des calottes glaciaires, pour certaines épaisses de plus de 3000 m, occupent une grande partie de l'hémisphère Nord. Elles recouvrent le Groenland, l'Amérique du Nord et la Sibérie. Tant d'eau mobilisée dans les glaces a abaissé d'une centaine de mètres le niveau des océans, dévoilant des terres jusqu'ici inondées. L'emplacement de la cité de Saint-Malo se trouve alors à des kilomètres de la côte... Pour les habitants du continent africain, berceau de l'humanité, de nouvelles routes se découvrent vers le nord. L'Europe et ses troupeaux de rennes attirent les émigrants. Car il ne fait pas bon vivre sous les Tropiques au moment des glaciations. Les forêts tropicales n'ont pas résisté à la sécheresse qui s'est installée. La savane a repris le dessus et les déserts se sont étendus, occupant une surface supérieure à celle d'aujourd'hui.

Cette glaciation va durer 80.000 ans environ, au terme desquels le climat commencera à se réchauffer. Une nouvelle ère interglaciaire commence. Quelques milliers d'années plus tard, des hippopotames se baigneront dans la Tamise... Selon Dominique Raynaud, directeur du laboratoire de glaciologie à Grenoble : "Les sondages efféctués dans la glace montrent que le passage d'une période glaciaire à une période interglaciaire s'étale sur environ 10.000 ans. Mais, sur ces grands changements, se greffent des petites variations climatiques très brutales qui arrivent en quelques dizaines d'années".

C'est ainsi que se sont succédé les glaciations tout au long de l'ère quaternaire (c'est-à-dire depuis 1,8 million d'années environ, jusqu'à aujourd'hui) au rythme d'une tous les 100.000 ans. Chaque glaciation plus ou moins marquée, dure environ 80.000 ans et laisse place, pendant quelque 20.000 ans, à une période plus chaude. L'état le plus courant de notre planète, au cours du Quaternaire est bel et bien la glaciation. Force est de le constater, nous vivons actuellement une période intergiaciaire privilégiée.

La périodicité des variations climatiques avaitété évoquée dès 1924 par le mathématicien yougoslave Milutin Milankovitch. Sa théorie reposait sur les variations d'ensoleillement des différentes régions terrestres en fonction de l'évolution de la trajectoire autour de l'astre solaire. En une année la Terre décrit une ellipse autour du Soleil. Mais ce mouvement se modifie au fil des années du fait de l'attraction exercée par la Lune et les autres planètes du Système solaire. Tout d'abord, la trajectoire de la Terre change de forme : elle passe d'un cercle quasi parfait à une ellipse légèrement aplatie. Dans cette dernière configuration, la distance entre notre planète et l'astre solaire varie au cours de l'année et cela ne va pas sans modifier le climat. Milankovitch avait calculé que la trajectoire de la Terre varie ainsi selon deux périodes de 100.000 et 400.000 ans. Au nombre des modifications importantes également : l'obliquité de la Terre. Il s'agit de l'angle formé par l'axe de rotation du globe terrestre et le plan de l'ellipse qu'il décrit. Ce paramètre module la quantité d'énergie solaire reçue par les différentes latitudes suivant les saisons. Plus l'axe de la Terre est incliné, plus les saisons sont contrastées dans les deux hémisphères : les étés sont plus chauds, les hivers plus rudes. Cette modification intervient avec une période de 41.000 ans. Enfin, dernière variation cyclique celle de la position de la Terre sur l'ellipse à un moment précis de l'année. Il y a 11.000 ans par exemple, la Terre passait par le point le plus proche du Soleil au moment du solstice d'été (22 juin) et non au moment du solstice d'hiver (22 décembre) comme aujourd'hui. Ces changements interviennent avec une périodicité de 19.000 et 23.000 ans. Les variations des paramètres de l'orbite terrestre jouent sur la distribution de l'énergie solaire sélon la latitude et la saison. Elles modifient les circulations des courants océaniques et des masses d'air atmosphériques, et c'est tout le climat de la planète qui est perturbé. L'hypothèse selon laquelle elles provoqueraient l'alternance entre périodes glaciaires et interglaciaires a longtemps paru farfelue. Mais, dans les années 70, des analyses de sédiments marins sont venues apporter la preuve magistrale de la solidité de la thèse de Milankovitch : non seulement les glaciations suivent un cycle de 100.000 ans, mais une étude plus fine révèle des variations suivant des périodes de 43.000, 24.000 et 19.000 ans.
Si la théorie de Milankovitch est aujourd'hui admise, elle n'en soulève pas moins quelques questions. Car la succession rapide des périodes glaciaires et interglaciaires est spécifique de l'ère quaternaire. L'apparition des glaciations quaternaires serait-elle due à des modifications de notre planète, la rendant plus sensible aux changements d'insolation ? "La géographie de la Terre n'a jamais été aussi fragmentée qu'aujourd'hui", confirme Philippe Janvier, directeur du laboratoire "Paléo-biodiversité : histoire et dynamique". La Pangée, le continent unique des origines n'a commencé à se fragmenter que relativement récemment. C'était il y a 200 millions d'années, pendant le Jurassique. Peu à peu, des océans, des bras de mer et des langues de terre se sont formés. Ce morcellement a profondément modifié la circulation des courants marins et des masses atmosphériques. La calotte antarctique a commencé à se former il y a 30 millions d'années, quand le continent s'est suffisamment éloigné de l'Amérique du Sud et de l'Australie pour qu'un courant froid circulaire l'encercle et l'isole. À la fin du Tertiaire, quand l'Amérique du Sud se soude à l'Amérique du Nord, l'isthme de Panama nouvellement formé coupe les échanges entre l'Atlantique et le Pacifique. La rupture va accentuer les contrastes climatiques. De nouveaux courants, comme le fameux Gulf Stream, se mettent en place. La calotte polaire se forme il y a 2,5 à 3 millions d'années. À la même époque, les reliefs alpins en cours d'élévation constituent autant d'obstacles à la circulation des masses d'air. Cette nouvelle configuration terrestre va s'avérer propice à l'installation des glaciations, les climats étant d'autant plus contrastés que des masses continentales sont proches des zones polaires.
Comment les êtres vivants ont-ils réagi à ces changements de climat ? L'étude des pollens fossilisés montre que les paysages s'en sont trouvés complètement bouleversés. "Avec le froid et la sécheresse, les arbres meurent, commente élise Van Campo, directeur de recherche au CNRS et directrice adjointe du laboratoire d'écologie terrestre de Toulouse. Ils ne persistent que dans les zones favorables, au sud de l'Europe, dans les zones côtieres ou les situations d'abri. Au-dessous des glaciers s'installent des steppes et des toundras".
"Quand la chaleur revient les noisetiers, les chênes et les ormes se reinstallent". Les animaux quant à eux, suivent leur milieu. La toundra amene les troupeaux de grands herbivores et les arbres des périodes interglaciaires les espèces forestieres. "Le Quateniaire se caractérise par de grands mouvements de populatîon, poursuit Anne-Marie Moigne, maître de conférences au Museum national d'histoire naturelle. Quand une glaciation arrive, on voit apparaître en Europe des rennes, des mammouths, des chevaux, des bisons. Puis quand le climat devient plus sec encore, des bœufs musqués et des saïgas. Pendant les periodes interglaclaires reviennent les éléphants, les daims, les cerfs et les sangliers".

Et l'homme dans tout ça ?

"Il a plutôt bien vécu les glaciations s'étonne Philippe Janvier. Il s'est adapté, s'est protégé contre le froid. C'est assez, surprenant". L'apparition de l'Homo erectus, en Afrique de l'Est, marque pour les anthropologues le début de l'ère quaternaire. Ce sera le premier hominidé à quitter le continent, notamment à la faveur des glaciations qui, en abaissant le niveau de la mer, ouvrent des passages dans la mer. "Il y a un million d'années, on le retrouve ainsi en Europe, où il voyage au gré des glaciations et des déglaciations, décrit Anne-Marie Moigne. à 1,7 million d'années, on le retrouve en Géorgie, à 1,3 million d'années dans le sud de l'Espagne, à 800.000 ans en Italie, à 600.000 en Allemagne".

L'événement qui va bouleverser les rapports entre l'homme et le climat, c'est la domestication du feu, il y a 400.000 ans. à partir de ce moment, il va pénétrer dans des régions froides. En Ukraine, on a ainsi retrouvé des campements de chasseurs de mammouths : maisons en os de mammouths, contours des cabanes faites de colonnes vertébrales ou de mandibules empilées, les défenses supportent la couverture en fourrure de mammouth. Le foyer était sans doute entretenu avec de la graisse du même mammifère et ces hommes polaires taillent leurs outils dans l'ivoire. Ils sont alors capables de vivre sur un sol gelé en permanence.

Anne Debroise - SCIENCE & VIE Hors Série > Décembre > 2000

Il y a 20.000 ans la Terre se Réchauffait

Pour la première fois, une publication retrace, millénaire après millénaire, l'histoire de la dernière déglaciation que la Terre ait traversée. Un rétit d'autant plus instructif que la planète est en voie de réchauffement...

Le film vient de sortir, et il va faire grand bruit. Visible non pas sur écran, mais dans la prestigieuse revue scientifique Nature sous la forme de multiples graphes, il n'en demeure pas moins un film à grand spectacle, qui retrace pour la première fois les principales étapes du plus profond bouleversement climatique qu'ait traversé la Terre depuis 100 millénaires.
Un scénario dont on ne connaissait jusqu'ici que le début et la fin : la grande déglaciation qui a débuté il y a 21.500 ans s'est étalée sur 10.000 ans et s'est soldée par une forte hausse des températures, d'environ 4°C. La face du monde en fut changée : fonte des colossales calottes glaciaires qui recouvraient une bonne partie de Nord (jusqu'à la Belgique en Europe), élévation de 120 mètres du niveau marin, couverture végétale radicalement transformée, cycle de l'eau planétaire intensifié. Le film produit par une équipe internationale menée par Jeremy Shakun, jeune paléoclimatologue de Harvard, relate avec minutie tous les épisodes de cette histoire mouvementée : le spectateur découvre ainsi comment, au fil des siècles, un petit changement dans l'insolation d'un coin de la planète provoque une importante libération de gaz à l'autre bout, laquelle engendre en réponse un puissant réchauffement de la Terre entière, jusqu'à un nouvel équilibre.

UN RÉCIT LONG DE 10.000 ANS

C'est justement parce que nos émissions de gaz à effet de serre sont en train de rompre cet équilibre vieux de plus de 10.000 ans que ce film devient haletant : sons nos yeux se déploie l'histoire inédite d'un réchauffement planétaire, du début à la fin. Une histoire qui se déroule en cinq grandes étapes (infographie ->).
Tout commence donc il y a 21.500 ans, alors que la Terre vit une glaciation depuis 90.000 ans. Se déclare alors, pendant 2500 ans, un réchauffement modeste de le zone la plus septentrionale de l'hémisphère Nord, une 'pichenette', pour reprendre le terme d'Edouard Bard, professeur au Collège de France. Pendant ce temps, la température des autres points du globe n'évolue guère - à peine un très léger refroidissement à l'autre extrémité du globe, autour du pôle Sud. Mais, à partir de -19.000 ans, la situation est inversée : le Nord commence à se refroidir, tandis que le Sud se réchauffe, et l'extrême Sud tout particulièrement. Ce phénomène dure près de 1500 ans, avant que les températures du Nord ne se remettent à grimper, en même temps que la quantité de dioxyde de carbone dans l'atmosphère - le taux de CO2 était resté stable jusque-là (-17.500 ans). Dès lors, l'ensemble du globe connaît un échauffement long et massif, hormis une oscillation transitoire entre -13.000 et -11.500 ans, qui est venue interrompre cette hausse continue des températures. Celles-ci se stabilisent à un niveau proche de l'actuel il y a environ 10.000 ans. Fin de l'histoire.
Pour produire un tel film, Jeremy Shakun et ses coauteurs n'ont pas lésiné sur les moyens : ils ont mis en commun et synchronisé les résultats de 80 forages glaciaires ou sédimentaires qui, grâce à différents indicateurs (grains de pollen, fossiles d'invertébrés marins, formes moléculaires, composition isotopique), leur ont permis de reconstituer les températures passées en autant de points du globe (carte ->). "Compte tenu des critères de qualité et de précision exigés, ces 80 points représentent à peu près l'ensemble des connaissances disponibles, même si une ou deux études m'ont peut-être échappé, estime Jeremy Shakun. Nos calculs montrent qu'avec 90 ou 150 mesures, on n'obtiendrait rien de bien différent. Edouard Bard, cosignataire de l'article, comfirme : "La succession d'évènements qui a été établie devrait désormais assez peu changer, hormis quelques precisions locales.
Reste à interpréter le film, c'est-à-dire à comprendre l'enchaînement des scènes et le rôle des différents acteurs. Sur la cause du réchauffement initial qui n'a touché que l'hémisphère Nord, peu de doutes : il provient de changements orbitaux qui ont rapproché la Terre du Soleil en été, et davantage tourné vers lui l'hémisphère Nord, tandis que le Sud plongeait dans l'ombre. Un bilan qui serait nul si la Terre était symétrique ! Mais les continents étant concentrés dans le Nord, particulièrement aux hautes latitudes, où se sont formées les calottes glaciaires, ce réchauffement septentrional ténu, de l'ordre d'une fraction de degré, a suffi pour provoquer la fonte d'un grand volume de glace, entraînant un afflux d'eau douce dans l'Atlantique. Et cet afflux explique la bascule entre les hémisphères qui caractérise les 1500 années suivantes. Car l'Atlantique, couloir océanique reliant les deux pôles, est le siège de la circulation dite 'thermohaline', qui transporte loin vers le nord de l'eau chaude issue de l'Atlantique intertropical. Arrivée dans la zone polaire, cette eau perd sa chaleur au profit de l'atmosphère, devient dense et plonge vers les profondeurs avant de s'écouler, le long du fond océanique, en direction du sud. "Cette circulation transfère constamment de la chaleur de l'hémisphère Sud vers l'hémisphère Nord", commente Jeremy Shakun. Or, cette plongée des eaux peut être arrêtée si un afflux d'eau douce, plus légère, vient recouvrir la surface de l'Atlantique Nord. "C'est sans doute ce qui est arrivé il y a 19.000 ans sous l'effet de la fonte des glaces provoquée par le réchauffement local, estime le paléoclimatologue. Ce qui a eu pour effet d'accumuler de la chaleur au Sud, tandis que le Nord se refroidissait. Dès lors, le renversement de l'évolution des températures dans les hémisphères devient logique".
Comment, maintenant, expliquer le réchauffement global, beaucoup plus important que ce que le déplacement de la Terre seul pourrait justifier ? Les chercheurs pensent que le réchauffement de l'hémisphère Sud a provoqué un dégazage massif de l'océan Austral, qui s'est mis à libérer de grandes quantités de dioxyde de carbone accumulées dans ses profondeurs. Leur argument ? Les carottes de glace disent unanimement qu'il y a 17.500 ans, le CO2 a commencé à devenir plus abondant dans l'air, passant en 6000 ans de 190 à 270 ppm (parties par million) environ. Et deux indices suggèrent que ce CO2 provient principalement de l'océan Austral. D'abord, plusieurs enregistrements océaniques indiquent des remontées en surface d'eau profonde chargée de CO2 et de nutriments - comme le prouve le plancton retrouvé dans les sédiments. Ensuite, le CO2 qui apparaît dans l'atmosphère à ce moment-là est appauvri en 13C et en 14C, ce qui est une sorte de signature de son origine marine.

ET LA PLANÈTE S'EMBRASE...

Ce qui est certain, c'est que le réchauffement qui embrase alors toute la planète est surtout dû à cette hausse. En atteste un modèle climatique global alimenté par les données de l'époque, qui reproduit fidèlement la hausse des températures à condition qu'on prenne en compte l'augmentation de CO2 observée. Certaines séquences du demeurent cependant assez floues. Pourquoi le changement orbital assez ténu d'il y a 21.500 ans a-t-il déclenché la déglaciation, alors que des changements plus importants, survenus quelques millénaires plus tôt, semblent être restés sans effets ? Est-ce parce qu'alors il n'y avait pas assez de glace accumulée ? Et qu'est-ce qui a déclenché la libération du dioxyde de carbone enfoui dans l'océan Austral ? Certains evoquent des changements dans les vents de surface, d'autres une modification de l'étendue des glaces, voire des causes liées au plancton... Même avec ces parts d'ombres, ce film, le premier à embrasser toute la complexité de la machinerie climatique planétaire, reste fascinant. "Ce travail souligne l'importance de l'océan et de sa circulation pour comprendre le climat, lequel est trop souvent réduit à ce qui se passe dans l'atmosphère", relève Edouard Bard. Jeremy Shakun estime que ce même scénario s'est répété lors de la vingtaine de glaciations et déglaciations qui se sont succédé depuis la fin de la dernière ère chaude de la Terre, l'ère tertiaire, il y a deux millions d'années : "La Terre était globalement la même, notamment au niveau de la position des continents et de sa propre position par rapport au Soleil".
Ce film présage-t-il alors du devenir de notre planète, soumise à un nouvel épisode de réchauffement massif ? En tout cas, une comparaison laisse songeur. En trois siècles, les activités humaines ont déjà relâché dans l'atmosphère 30 % de CO2 de plus que lors de cette dernière déglaciation, qui s'était étalée sur 10.000 ans. C'est dire combien le film que l'homme met actuellement en scène risque d'être plus violent.

Y.S. - SCIENCE & VIE > Juillet > 2012
 
 

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