Mésozoïque de 4,25 à 4,435 Ga, -250 à -65 Ma, D = 185 Ma

CRÉTACÉ : de 4,355 à 4,435 Ga, -145 à -65 Ma, Durée = 80 Ma

Présentation du Crétacé

Le Crétacé est une période géologique qui s'étend de 145,5 ± 4 à 65,5 ± 0,3 Ma. Elle se termine avec la disparition des dinosaures et de nombreuses autres formes de vie. Cette période est la troisième et dernière de l'ère Mésozoïque ; elle précède le Paléogène et suit le Jurassique.

Sa fin est marquée par un stratotype riche en iridium que l'on pense associé à l'impact d'une météorite dans le Yucatan. Cette collision est considérée comme ayant participé fortement à l'extinction massive ayant entraîné entre autres la disparition des dinosaures. Néanmoins, la géologie montre que l'activité volcanique de grande ampleur commune aux cinq grandes extinctions avait déjà commencé avant l'arrivée du bolide. Le Crétacé est nommé d'après le latin creta, "craie", se référant aux vastes dépôts crayeux marins datant de cette époque et que l'on a retrouvés en grande quantité en Europe, notamment en Grande-Bretagne. Elle est défini par Jean-Baptiste d'Omalius en 1822 d'après des couches stratigraphiques présentes dans le bassin parisien.

SUBDIVISIONS

Le Crétacé est généralement divisé en deux époques appelées Crétacé inférieur et supérieur.

Crétacé Inférieur (145,5 ± 4,0 - 99,6 ± 0,9 Ma, D = 46 Ma)
- Berriasien (145,5 ± 4,0 - 140,2 ± 3,0 Ma, D = 5,3 Ma)
- Valanginien (140,2 ± 3,0 - 136,4 ± 2,0 Ma, D = 3,8 Ma)
- Hauterivien (136,4 ± 2,0 - 130 ± 1,5 Ma, D = 6,4 Ma)
- Barremien (130 ± 1,5 - 125 ± 1,0 Ma, D = 5 Ma)
- Aptien (125 ± 1,0 - 112 ± 1,0 Ma, D = 13 Ma)
- Albien (112 ± 1,0 - 99,6 ± 0,9 Ma, D = 12,4 Ma)

Crétacé Supérieur (99,6 ± 0,9 Ma - 65,5 ± 0,3 Ma, D = 34 Ma)
- Cénomanien (99,6 ± 0,9 - 93,5 ± 0,8 Ma, D = 6,1 Ma)
- Turonien (93,5 ± 0,8 - 89,3 ± 1,0 Ma, D = 4,2 Ma)
- Coniacien (89,3 ± 1,0 - 85,8 ± 0,7 Ma, D = 3,5 Ma)
- Santonien (85,8 ± 0,7 - 83,5 ± 0,7 Ma, D = 2,3 Ma)
- Campanien (83,5 ± 0,7 - 70,6 ± 0,6 Ma, D = 13 Ma)
- Maastrichtien (70,6 ± 0,6 - 65,5 ± 0,3 Ma, D = 5 Ma)

PALÉOGÉOGRAPHIE

Durant le Crétacé, le supercontinent Pangée finit de se scinder pour former les continents actuels, bien que leurs positions soient encore substantiellement différentes. En même temps que l'océan Atlantique s'élargit et que l'Amérique du Nord se dirige vers l'ouest, le Gondwana qui s'était auparavant détaché de la Pangée, se fracture en Antarctique, Amérique du Sud et Australie, et s'éloigne de l'Afrique. L'Inde et Madagascar restent rattachés à la plaque africaine au début du crétacé, L'Inde s'en détache vers la fin du Berriasien. L'océan Indien et l'Atlantique Sud apparaissent durant cette période.
Cette activité crée des chaînes de montagnes sous-marines le long des lignes de fractures, provoquant l'élévation du niveau de la mer dans le monde entier : c'est la crise magmatique du Crétacé supérieur, à l'origine des plateaux des Caraïbes, d'Otong Java… Au nord de l'Afrique, la Téthys continue de rétrécir. En Amérique du Nord une mer intérieure peu profonde se forme (Voie maritime intérieure de l'Ouest) puis commence à rétrécir, en laissant des dépôts marins minces intercalaires entre des couches de charbon. D'autres affleurements de cette période se situent en Europe et en Chine. Au maximum du niveau de la mer pendant le Crétacé, près d'un tiers des terres actuelles est submergé. Le Crétacé est fameux pour ses formations calcaires, aucune autre période du Phanérozoïque n'en a produit autant. L'activité au niveau des dorsales océaniques enrichi les océans en calcium permettant aux coccolithophoridés de s'approvisionner en cet élément. De plus, dans la région de l'Inde, des éruptions volcaniques massives se produisent vers la fin du Crétacé et le début du Paléocène, formant les trapps du Deccan.

UN OCÉAN AURAIT PU S'OUVRIR À LA PLACE DU SAHARA
La dislocation du supercontinent Gondwana aurait pu conduire, il y a 130 millions d'années, à ce que la partie ouest de l'Afrique se soude à l'Amérique latine. Ce qui aurait ouvert un océan à la place de l'actuel Sahara
. C’est ce que montrent les modélisations numériques des géologues Christian Heine de l’universite de Sydney (Australie) et Sascha Brune du Centre de recherche pour les géosciences de Postdam (Allemagne). En effet, une ligne de rupture de la croûte terrestre, un rift, de direction nord-sud, s'étendait alors à l'ouest de l'Afrique. Le Gondwana aurait donc pu se déchirer le long de cette ligne. Mais c'était sans compter avec un autre rift, de direction est-ouest celui-ci, le long de l'actuelle côte équatoriale africaine. Les deux rifts croisés ont coexisté pendant 20 millions d'années, jusqu'à ce que l’ouverture du rift est-ouest s'accélère, fasse pivoter les plaques continentales et stoppe la formation d'un "océan saharien". Pour les chercheurs, c’est l'angle entre la direction des rifts et celle de la force tectonique qui a déterminé le vainqueur. Plus cet angle était faible, plus la force nécessaire pour ouvrir le rift était faible. Or, après le pivotement, il était seulement de 60° pour le rift équatorial, contre 90° pour le rift saharien.

P.L. - SCIENCE & VIE N°1160 > Mai > 2014

CLIMAT

Au début du Crétacé, la tendance au refroidissement amorcée à la fin du Jurassique se poursuit pendant le Berriasien, les pôles ont peut-être connu des glaciers permanent, ainsi que quelques montagnes élevées aux latitudes moyennes. Ce refroidissement n'est pas typique du Crétacé : à la fin du Berriasien les températures remontent puis restent relativement stables pendant le reste de cette période. Cette tendance est due à l'activité volcanique intense qui produit de larges quantités de dioxyde de carbone. Téthys connecte les océans tropicaux de l'ouest vers l'est permettant d'adoucir le climat global. Des plantes fossiles adaptées à la chaleur peuvent être trouvées aussi au nord que l'Alaska ou le Groenland tandis que des fossiles de dinosaures sont présents sur des territoires alors à une latitude de 15° du pôle Sud.
Le gradient de température équateur-pôle est bien moins élevé que de nos jours, les vents sont donc plus faibles, en conséquence les remontées d'eau des océans sont moins accentuées et les océans plus stagnants, ces océans sont donc moins oxygénés et des évènements anoxiques sont enregistrés dans les dépôts de schiste noir. La température de surface et en profondeur est nettement plus élevée que de nos jours. Le climat global est donc chaud, les régions polaires n'ont pas de glace permanente.
Selon une étude publiée dans la revue Science, une équipe conduite par l'allemand André Bornemann est parvenue à prouver l'existence de glaciers et à montrer que ces glaciers ont pu atteindre, sur de courtes périodes, jusqu'à 60 % du volume actuel de l'Antarctique, le niveau de la mer chutant de 25 à 40 mètres, alors que la température de l'océan avoisinait 37°C contre les 28°C actuels.

FLORE

Les angiospermes s'étendent mais deviennent dominantes seulement à partir de la fin du Crétacé, pendant le Campanien. Leur dissémination est aidé par l'apparition des abeilles, les relations insectes-angiospermes sont un bon exemple de coévolution. Les premiers représentants d'arbres à feuilles : figuiers, magnolias et Platanaceae, apparaissent durant le Crétacé. Les gymnospermes du Trias, tel que les conifères, continuent de se développer. Les Bennettitales apparus pendant le Trias s'éteignent vers la fin du Crétacé. Les plantes se modernisent, bien que les herbes n'évoluent pas avant la fin de cette période.

FAUNE TERRESTRE

Les mammifères sont petits et n'ont que peu d'importance dans le règne animal. La faune est dominée par les reptiles archosauriens, essentiellement des dinosaures. Dans le ciel, les ptérosaures sont communs dans les environnements maritimes, en particulier durant le crétacé inférieur et moyen, bien que sur terre ils doivent faire face à la radiation évolutive des oiseaux. À la fin du Crétacé, seules deux espèces de ptérosaures très spécialisés subsistent.
Les dépôts sédimentaires de la province chinoise du Liaoning fournissent de bons enregistrements fossiles du Crétacé inférieur où les restes bien conservés de nombreux petits mammifères, oiseaux et dinosaures ont été découverts.
- Les Maniraptora trouvés sur ces sites sont intermédiaires entre les dinosaures et les oiseaux, leur corps est, au moins partiellement, couvert de plumes.
- En 2007 en Chine, un petit reptile volant de la famille des ptérosaures qui vivait il y a environ 120 Ma. a été découvert. De la taille d'un moineau, la courbure des phalanges des pieds indique qu'il vivait principalement dans les ginkgos, arbres qui couvraient la Chine de cette période.
Durant le Crétacé, les insectes se diversifient, les plus vieux termites et fourmis, Aphidoidea, Cynipidae et sauterelles apparaissent ainsi que quelques nouvelles familles de papillons.

FAUNE MARINE

Dans les mers, les raies, les requins modernes et les poissons deviennent communs ainsi que les reptiles marins, Ichthyosaure durant le Crétacé inférieur, Plésiosaures durant toute la période et Mosasaures durant le Crétacé supérieur.
Les baculites, un genre d'ammonite sont florissant, les hesperornithiformes, des oiseaux communs au Mésozoïque, n'ont pas de concurrents. Les Foraminifera Globotruncana et des échinodermes tel les étoiles de mer ou les oursins se développent. La première expansion des diatomées se fait dans les océans pendant le Crétacé, les diatomées d'eau douce n'apparaissent pas avant le Miocène. Le Crétacé est aussi une période importante pour l'évolution des organismes attaquant les couches calcaires, la bioérosion devient un facteur important dans l'évolution des couches sédimentaires.

WIKIPEDIA > Septembre > 2010

Crétacé Inférieur (± 4,35 GA, 145,5 ± 4,0 - 99,6 ± 0,9 Ma, D = 46 Ma)

Climat et Continents du Mésozoïque

C'est un climat chaud mais moins contrasté qu'à l'ère primaire qui va marquer l'ère secondaire, ou mésozoïque, en particulier pendant le crétacé moyen. La température des mers y est peut-être supérieure en moyenne de 10°C à celle de nos océans actuels. C'est là que la Pangée va progressivement se disloquer. Le climat redevient donc plus humide et le crétacé va connaître une hausse du niveau marin : un bond liquide de 200 mètres au-dessus du niveau actuel. Des bras de mer recouvrent les Grandes Plaines d'Amérique du Nord, le Sahara ou l'Europe. Les célèbres falaises calcaires du Pays de Caux doivent leur existence à cet épisode. "Le haut niveau marin au cours du crétacé moyen conduit à une homogénéité accrue du climat, précise Frédéric Fluteau. L'amplitude thermique annuelle est faible." C'est donc au gré de l'alternance entre climats extrêmes et relatives accalmies que se dessine le visage actuel de la Terre, au fil de la lente dérive des continents.

ROMAIN NIGITA - SCIENCE & VIE HS > Décembre > 2006

L'Aube du Crétacé

Et les autres vertébrés terrestres ? Pendant tout ce temps, soit quelque 150 millions d'années, ils restent dans l'ombre des dinosaures. Mais ne cessent pas pour autant d'évoluer. Petits et rares jusqu'au milieu du Crétacé, il y a environ 100 millions d'années, les mammifères et les lezards vont ensuite devenir de plus en plus nombreux. Mais ils ne dépassent toujours pas la taille d'un lapin ou d'un iguane (exception faite des mosasaures, énormes lézards marins apparentés aux varans). Optant pour l'évitement, les crocodiles, les tortues et les ptérosaures se cantonnent pour leur part aux milieux marécageux ou littoraux, menant une vie semi-aquatique ou aérienne. Le "couronnement" des dinosaures, il y a 220 millions d'années, a donc été suivi d'un long règne terrestre sans partage, pendant près de 150 millions d'années. Avant leur disparition totale et soudaine, il y a 65 millions d'années...

Ce long règne a-t-il des causes fortuites, ou tient-il à un atout majeur et inégalable des dinosaures, face aux autres vertébrés terrestres ? Bien que ces terribles reptiles dressés sur leurs pattes aient été agiles et assez rusés pour chasser en bandes (certains avaient le sang "chaud"), les faits plaident en faveur de la première hypothèse. En effet, leur essor fait suite à deux catastrophes géologiques successives aux conséquences largement imprévisibles. La première qui marque la fin de l'ère primaire a mis un terme au règne sans partage des reptiles mammaliens. La deuxième, 25 millions d'années plus tard, a mis à mal la "coalition" de reptiles dominants qui s'était formée au Trias. Pourquoi la lignée des dinosaures a-elle été épargnée par ces deux catastrophes. Hasard probablement. Mais ils n'ont pas été les seuls rescapés. Les agiles mammifères à sang chaud ont eux aussi survecu à l'épreuve. Pourquoi les dinosaures sont-ils sortis seulsgagnants au début du Jurassique ? Sans doute ont-ils été avantagés par leur taille très supérieure à celle des mammifères de la même époque. Ou peut-être ont-ils été favorisés par le climat, chaud à la fin du Trias. La question n'est pas encore tranchée. Et l'on se perd en conjectures à imaginer ce qui aurait pu se passer si l'ancêtre thécodonte, très discret, des dinosaures et des ptérosaures, qui vivait quelque part en Pangée il y a 250 millions d'années, avait fait partie des 95 % d'espèces victimes de la catastrophe géologique de la fin du Permien.

LES INSECTES

Parmi les derniers venus, les vraies guêpes ne vont pas tarder à apparaître, accompagnées des papillons à trompe, suceurs de nectar, et des premiers parasites. Poux, puces, moustiques primitifs sucent le sang des tout premiers mammifères ou des ptérosaures. Peut-être même s'attaquaient-ils aux coriaces dinosaures, en les piquant autour des yeux ou dans d'autres parties sensibles...
Ne manquent plus, pour parfaire le tableau, que les termites, fourmis et abeilles... Autrement dit les premiers insectes sociaux. C'est la dernière grande invention de l'histoire des insectes et peut-être la plus mystérieuse. Tout juste sait-on qu'elle est apparue vers la fin du Jurassique ou au début du Crétacé. Et que la percée de la sociabilité coïncide peu ou prou avec un bouleversement écologique majeur de l'ère secondaire : l'explosion des plantes à fleurs, ou angiospermes, il y a quelque 100 millions d'années. Un tel changement de leur niche écologique ne pouvait laisser les insectes indifférents. D'autant qu'une plante angiosperme produit plus de matière organique qu'un conifère - de la même façon qu'un chêne produit plus de feuilles mortes qu'un pin. Et leurs compositions diffèrent. Toute la chimie du sol et des eaux douces continentales s'en trouve modifiée. C'est l'hécatombe chez de nombreuses familles d'insectes, en particulier dans les ordres des libellules et des orthoptères (sauterelles et criquets), pendant que d'autres prolifèrent de façon explosive.
Un observateur brutalement transporté à la fin de l'ère secondaire serait bien en peine de reconnaître le moindre reptile ou mammifère. Mais il lui suffirait de se pencher vers le sol ou de scruter un peu attentivement la végétation pour observer un spectacle des plus familiers. Rien ne le dépayserait dans cette faune d'insectes vieille de dizaines de millions d'années. On estime ainsi que dès le milieu du Crétacé, 84 % des insectes correspondaient à des familles actuelles, alors que 80 % des vertébrés tétrapodes appartenaient à des familles de nos jours disparues.
Partis avec une bonne longueur d'avance, les insectes ont fait preuve d'une exceptionnelle stabilité. Certaines familles ont plus de 200 millions d'années ! Il faudra tout de même attendre la fin de l'ère tertiaire, il y a environ 5 millions d'années, pour trouver non seulement les familles et les genres, mais aussi les espèces d'insectes modernes. Ces petites bêtes ont « fini » leur évolution. D'autres ne font que la commencer. Les premiers hommidés viennent depuis peu d'apparaître...

LES PREMIERS POLLINISATEURS
Du pollen de 100 millions d'années a été décelé sur des insectes de moins de 2 mm conservés dans de l'ambre
, au Pays basque. Ces thysanoptères auraient collecté le pollen afin de nourrir leurs larves. De quoi éclairer la mise en place de la reproduction sexuée des plantes au crétacé inférieur.

J.M. - SCIENCE & VIE > Juillet > 2012

UNE SÉRIE D'INNOVATIONS

Le mimétisme est apparu très tôt. Autre invention majeure : la chrysalide, qui permet aux insectes de supporter froid et sécheresse (un coléoptère ->, et un papillon de nuit, à gauche, tous deux du Crétacé).

PAR LAURE SCHALCIILI : Avec la participation d'André Nel, maître de conférences au Muséum national d'histoire naturelle.

Emmanuel Monnier - SCIENCE & VIE HS > Décembre > 2000

Les Ailes des Oiseaux : Un Bricolage Réussi

La chose est établie ce sont les dinosaures qui ont "fabriqué" l'appareillage nécessaire à l'envol des oiseaux. jusqu'aux plumes qui, alors, leur servaient à tout sauf à voler.

Encore discutée dans les années 1980, l'origine des oiseaux est aujourd'hui fermement établie grâce aux nombreuses découvertes faites depuis 10 ans en Chine, en Europe et ailleurs. Cygnes, faucons et rossignols, au vol gracieux et au plumage soyeux, descendent d'un petit dinosaure du groupe des maniraptoriens qui vivait au Jurassique supérieur. Il y a environ 155 millions d'années. C'est-à-dire d'un dinosaure carnivore bipède et bon coureur qui comme ses celèbres petits cousins Velociraptor du Crétacé spectaculairement reconstitués et (anachroniquement) mis en scène dans jurassic Park - capturait ses proies à la course en les saisissant dans ses longues mains griffues, avant de les achever d'un coup de mâchoire.
Des dinosaures maniraptoriens à Archaeopteryx, le plus ancien oiseau connu, les différences anatomiques sont restreintes, mais lourdes de conséquences. Les os des bras et des mains sont plus longs (large envergure nécessaire au vol), les articulations des épaules sont orientées latéralement (ce qui permet les mouvements alaires), la queue est plus courte (donc plus légère) et les pouces des pieds orientés à l'inverse des autres doigts (les pieds ne sont cependant pas encore préhensiles). Et, bien sûr, les ailes et la queue d'Archaeopteryx sont pourvues de grandes plumes, les rémiges et rectrices caractéristiques de tous les oiseaux volants actuels et fossiles. Des plumes sans lesquelles ces animaux ne décolleraient tout simplement pas...
Les ancêtres maniraptoriens d'Archaeopteryx avaient-ils des plumes ? La réponse à cette question n'est pas immédiate car à la différence des os et des dents, les phanères (écailles, poils, plumes...) ne sont pas minéralisés. Ils sont constitués de proteines biodégradables et seule leur empreinte peut être fossilisée, dans des sédiments très fins. Difficile, donc, d'identifier les phanères de la plupart des vertébrés fossiles... Cependant, l'hypothèse d'une filiation directe entre de petits dinosaures bipèdes coureurs aux longs bras, entièrement nus ou couverts d'écailles, et des oiseaux volants dotés de larges ailes plumeuses, ne tient pas la route. Les remiges indispensables au vol des oiseaux sont en effet des structures très complexes qui n'ont pu être improvisées en quelques générations : leur élaboration exige une période de perfectionnements successifs, sous la pression continue de la sélection naturelle, au service de quelque fonction vitale. Mais puisqu'il est impossible de voler avec des ébauches de plumes, cette fonction devait être autre que le vol. Comme tant d'autres organes vitaux, les ailes des oiseaux sont un "bricolage" de l'évolution. La théorie évolutioniste veut donc que l'invention des plumes ait précédé celle du vol - ou, en d'autres termes, que les oiseaux descendent de dinosaures emplumés non volants. La découverte en 1998, de plusieurs dinosaures fossiles dotés de plumes, mais n'appartenant pas à la lignée des oiseaux, est venue confirmer cette prédiction.

Vivant dans les régions lacustres du nord-est de la Chine au début du Crétacé, quelque 15 millions d'années après leur cousin volant Archaeopteryx, Caudipteryx zoui, Protarcheopteryx robusta et Sinosauropteryx Sp. étaient trois espèces de dinosaures maniraptoriens inaptes au vol, mais pourvus de plumes. Caudipteryx zoui, en particulier, avait de courtes plumes sur tout le corps, de longues rémiges aux bras et des rectrices au bout de la queue. Structures complexes, les plumes n'ont été inventées qu'une fois au cours de l'évolution : si Archaeopteryx et ses proches cousins en était munis, c'est parce qu'ils les avaient hérités d'un ancêtre commun, lui-même non volant.
à quand remonte l'invention des plumes par les dinosaures, et à quoi pouvaient-elles servir avant d'être utilisées pour le vol ? Tout récemment, en juin 2000, neuf chercheurs ont publié dans la revue américaine Science un article étonnant, qui ferait remonter les plumes à plus de 220 millions d'années, soit bien avant Archacopteryx. Ils s'appuient sur le réexamen d'un petit fossile d'archosaure (groupe des dinosaures et des crocodiles) du Trias, décrit en 1970 par A.-G. Sharov. Doté de deux rangées parallèles de longues et complexes "écailles" sur le dos, l'animal avait été baptisé à l'époque Longisquama insignis. Vous l'avez compris : selon ces chercheurs, les extraordinaires écailles de Longisquama n'étaient autres que des plumes ! Si T.-D. Jones et ses collaborateurs ont raison, les plumes sont apparues au moins 70 millions d'années avant les oiseaux. Les premiers dinosaures en possedaient-ils donc déjà ?
S'il est encore trop tôt pour trancher, il reste que les précieuses plumes n'ont pas été inventées "pour" le vol, mais au service d'une autre fonction. Laquelle ? Dans le cas des courtes plumes recouvrant l'ensemble du corps, la réponse paraît simple : cette couverture devait servir d'isolant thermique. Un atout important pour les petites espèces actives, confrontées aux variations climatiques saisonnières, qu'étaient les maniraptoriens du Jurassique supérieur. Il est clair en tout cas - d'après les données paléontologiques et pour des considérations physiologiques - que les grands dinosaures du Jurassique n'étaient pas couverts de plumes !
Les grandes plumes des ailes et de la queue ont dû évoluer au service d'une autre fonction. Comme signaux de séduction sexuelle, par exemple les "appendices de séduction" sont en effet légion chez les animaux. Les grandes "écailles" plumeuses ornant le dos de Longisquama insignis avaient probablement cette fonction. Ou comme parasol, pour protéger les œufs et les jeunes de l'insolation par temps chaud. Ou encore comme "filet à papillon", chez les petits maniraptoriens prédateurs d'insectes et de petits vertébrés... Bref, tout comme les plumes des oiseaux actuels leur servent non seulement à voler, mais aussi à se protéger du froid, de l'humidité ou à parader, les premières plumes des dinosaures pouvaient remplir bien des fonctions.
Quoi qu'il en soit, le "détournement" des plumes au service du vol par la première espèce d'oiseau a été une invention formidable. Sous l'action de la sélection naturelle, le vol s'est rapidement perfectionné. Moins de dix millions d'années après Archaeopteryx au Cretacé inférieur, les oiseaux avaient déjà une queue courte, des pieds préhensiles (adaptation au perchage), des allulas (petites plumes "gouvernail" à l'avant des ailes...), et un vol assez adroit. Se dotant de fines clavicules souples et soudées (la "fourchette") et d'autres "accessoires de vol" raffinés, les oiseaux modernes ont encore accru leurs capacités de vol. On en compte aujourd'hui 9000 espèces.

UN ÉCRIN DE PIERRE POUR UNE PLUME ANCIENNE : Les plumes n'ont pas été inventées par les oiseaux pour voler mais par de petits dinosaures maniraptoriens pour conserver leur chaleur... Ou pour séduire...

Le Casse-Tête des Mammifères

L'histoire des mammifères a ses paradoxes. Des fossiles primitifs présentent des caractères modernes. Et d'autres, évolués, exhibent des traits archaïques.

Pendant quelque 120 millions d'années, jusqu'au milieu du Crétacé, les mammifères n'ont guère depassé la taille d'une souris. Pour cette raison, les fossiles connus sont beaucoup plus rares et fragmentaires que ceux des dinosaures : ils se limitent le plus souvent à des dents isolées et quelques fragments d'os. De fait, l'histoire évolutive des mammifères est encore très confuse. Et paradoxalement, la découverte récente de plusieurs squelettes fossiles presque complets, dans des roches datées d'environ 140 millions d'années, n'a pas mis fin aux controverses...
On trouve au Crétacé quatre grands "groupes" de mammifères : les thériens, les multituberculés, les monotrèmes et les triconodontes. Mais quels sont leurs liens de parenté ?
Les thériens forment un "clade" indiscutable, c'est-à-dire un groupe avec une espèce fondatrice et tous ses descendants. On y trouve tous les mammifères dits "modernes", placentaires et marsupiaux, dotés notamment de complexes molaires coupeuses et broyeuses. Mais il comprend aussi d'autres lignées, qui s'éteignent à la fin du Crétacé : symmétrodontes, pantothériens... Avec leur squelette léger aux articulations très souples, leur gros cerveau et leurs bonnes oreilles (équipées dans leur partie interne d'une longue cochlée enroulée recevant les vibrations sonores), les thériens du Crétacé sont d'agiles petits mammifères nocturnes. Arboricoles ou terrestres, ils mangent des insectes ou des graines.
Connus depuis la fin du Jurassique, les multituberculés forment eux aussi un clade. Ils possèdent tous des molaires aux nombreux tubercules aplatis, disposés en rangées parallèles. Omnivores et agiles, ils sont arboricoles. Leurs épaules aux clavicules mobiles leur bassin et leurs membres posterieurs aux articulations souples les rapprochent des thériens. Mais avec leur oreille interne primitive (cochlée courte et droite), ils n'ont qu'une audition médiocre. Prospères à la fin du Crétacé et au début du Tertiaire, ces mammifères ont été progressivement évincés par leurs concurrents modernes. Ils ont disparu voilà environ 30 millions d'années.
Déjà rares au Crétacé, les monotrèmes n'ont guère laissé de fossiles. Possédant certaines caractéristiques osseuses distinctives du groupe, ils forment probablement un clade d'origine très ancienne. équipés ou non de dents à l'âge adulte, tous ont un squelette peu souple, de type primitif. Pour cette raison, la plupart des spécialistes pensent que leur ancêtre commun s'est séparé de la lignée conduisant aux thériens et aux multituberculés plusieurs millions d'années avant la séparation de ces derniers. Cependant, l'oreille interne des monotrèmes, moins primitive que celle des multituberculés ressemble à celle des thériens par sa cochlée incurvée. Comment expliquer ce paradoxe ?
La solution la plus probable est que l'oreille interne des thériens et celle des monotrèmes ont évolué séparément dans le même sens, sous la pression de contraintes biologiques semblables. Dans les 2 lignées, la cochlée s'est allongée - ce qui favorise une discrimination fine des sons - et, faute de place dans l'oreille interne, s'est incurvée ou enroulée.
Les triconodontes enfin, qui disparaissent avant la fin du Crétacé, semblent former le "groupe" le plus ancien. Ils possèdent des molaires à trois cuspides alignées (une grande centrale flanquée de 2 petites), un bassin et des membres postérieurs aux articulations rigides, encore plus "archaïques" que ceux des monotrèmes. Toutes ces caractéristiques, ils les partagent avec d'anciens mammifères du Trias et du Jurassique inférieur les morganucodontidés. Principale difference avec ces derniers leur mâchoire "moderne", semblable à celle des autres mammifères du Crétacé. Exempts de toute caractéristique distinctive (dite "dérivée"), qui serait l'apanage unique de leur groupe, les triconodontes ne forment donc probablement pas un clade. Mais, comme les poissons ou les reptiles, un groupe "paraphylétique" constitué d'une espèce fondatrice et une partie seulement de ses descendants. Ou encore un groupe "polyphylétique" comportant plusieurs lignées issues de différentes espèces fondatrices...
Pour corser le tout, Ji Qiang et ses collègues, du Muséum géologique national de Chine, ont fait en 1999 une découverte très surprenante. Leur étude porte sur le premier squelette presque complet de "triconodonte" decrit jusqu'à présent. Baptisé Jeholodens jenkinsi, ce mammifère probablement fouisseur vivait dans les régions lacustres du nord de la Chine (ou plus exactement à l'est de la Laurasie), il y a environ 140 millions d'années. Or si son crâne, sa dentition, son bassin et ses membres postérieurs sont bien très archaïques la structure de ses épaules en revanche est étonnamment moderne : ses clavicules pivotantes ressemblent beaucoup à celles des thériens et des multituberculés !
Comment ce deuxième paradoxe est il possible ? Une convergence évolutive entre lignées est ici encore la solution la plus plausible. Sous la pression de contraintes anatomiques et physiologiques comparables, une lignée de triconodontes (celle de Jeholodens jenkinsi) a probablement elle aussi acquis des joints claviculaires mobiles, séparément de la souche commune aux thériens et aux multituberculés.
Selon une autre hypothèse moins probable, les clavicules pivotantes seraient un caractère ancestral, partagé non seulement par les triconodontes, les multituberculés et les thériens, mais aussi par les ancêtres des monotrèmes. Dans ce cas, les monotrèmes auraient perdu la souplesse de leurs épaules au cours de leur évolution...
Décidément, la phylogénie des mammifères est un véritable casse-tête !

L'ORNITHORHYNQUE, UN PUZZLE ANIMAL : Doté d'un bec et de pattes palmées comme un canard, ce monotrème pond des œufs et allaite ses petits comme un mammifère. ->

ANNE TEYSSEDRE - SCIENCE & VIE HS > Décembre > 2000
 
 

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