La Terre encore en Sursis pour 5 Milliards d'Années

Pour autant notre planète n'est pas éternelle. Réveil d'un supervolcan, mort du Soleil... Revue des hypothèses de catastrophes plausibles mais lontaines.

Un Choc Inévitable

Ce n'est pas parce qu'aucun astéroïde ne nous menace en 2012 que "le ciel" ne nous tombera pas sur la tête... un jour ! Actuellement, un seul objet menace la Terre dans un futur proche : l'astéroïde Apophis, découvert en juin 2004. Ce corps de 27 millions de tonnes croise régulièrement l'orbite de la Terre à la vitesse de 18.000 kmlh. Les premiers calculs de trajectoire avaient créé la panique en annonçant une probabilité de collision avec la Terre le 13 avril 2029. Au fil des observations, les astronomes de la Nasa ont définitivement écarté ce risque pour 2029... mais peut-être pas pour avril 2036 : la Nasa estime en effet à une "chance" sur 45.000 au cours des cent prochaines années !
Autre astéroïde menaçant : 1950 DA, un bloc rocheux de 1,4 km de diamètre dont la trajectoire pourrait croiser la Terre le 16 mars 2880. Selon les calculs actuels, l'astéroïde plongera dans l'Atlantique avec une énergie équivalant à 60.000 mégatonnes de TNT, provoquant un tsunami dévastateur. Mais le pire n'est jamais sûr : les simulations ont une imprécision de 20 minutes... soit un écart de 21.600 km qui ferait passer 1950 DA au large de notre planète. Surtout, "nous sommes incapables de calculer précisément les trajectoires des astéroïdes au-delà de 20 ans, précise Patrick Michel, de l'observatoire de la Côte d'Azur. De nombreux paramètres gravitationnels peuvent modifier grandement sa trajectoire". Si ce n'est pas 1950 DA, ce sera un autre. Car ces milliers de blocs de roche, vestiges de la création du système solaire, entrent parfois en collision les uns avec les autres, dévient de leur trajectoire et peuvent entrer en collision avec la Terre. "La fréquence d'impact d'astéroïdes de 1 km de diamètre - susceptibles de provoquer la disparition de 25 % des espèces vivantes - est de 500.000 à 1 million d'années", note Patrick Michel. Plus rare, un impact d'astéroïde de 10 km de diamètre, semblable à celui qui a tué les dinosaures, est de l'ordre d'un tous les 100 millions d'années. Pis, une comète de longue période pourrait débouler sans prévenir des confins du système solaire. "C'est le seul risque réel pour les cent prochaines années, prévient Patrick Michel. Ces comètes ne passent qu'une fois dans le système solaire ou sur des périodes de plus de 200 ans, ce qui les rend imprévisibles". Et lorsqu'une comète, même de taille modeste, heurte une planète, les dégâts sont énormes. Pour preuve la collision catastrophique de Shoemaker-Levy 9 avec Jupiter en juillet 1994. Un de ses 17 fragments frappa l'atmosphère de la planète avec une énergie correspondant à 6 millions de mégatonnes de TNT, soit 600 fois la puissance de l'arsenal nucléaire mondial, générant un panache de feu qui s'est élevé à 3300 km au-dessus des nuages. Mais pour provoquer la fin du monde, il faudrait que son diamètre atteigne une dizaine de kilomètres. Une taille très rare chez les comètes... http://neo.jpl.nasa.gov/risk/ - (S.R.)

Le Volcanisme de Traps

Et si un volcanisme exceptionnel entraînait un jour un bouleversement catastrophique ? Cette hypothèse est en tout cas étudiée pour expliquer les disparitions massives d'espèces qui ont eu lieu au cours des temps géologiques comme le montrent l'étude des couches sédimentaires et les données paléontologiques. Ces disparitions brutales se sont produites à la fin du crétacé (-65 millions d'années), à la fin du trias (-206 millions d'années), au permien (-248 millions d'années), au dévonien (-360 millions d'années) et à la fin de l'ordovicien (-445 millions d'années).
Les "traps" du Deccan - une immense falaise de lave de 2 millions de kilomètres carrés qui s'étend de la pointe de Bombay au milieu du sous-continent indien - témoignent de cette gigantesque activité volcanique due à un "point chaud", une région où le matériau du manteau terrestre très profond, chaud et léger, atteint la surface. Les datations de ces laves indiquent que l'ensemble a pris place en 500.000 ans à peine, il y a environ 65 millions d'années. Un laps de temps très court au regard de la quantité de magma déversé. Un tel événement a dû libérer dans l'atmosphère de très grandes quantités de gaz carbonique, provoquant un effet de serre important, un bouleversement climatique... et la fin des dinosaures. Il a pu aggraver les effets de l'impact d'une météorite, l'autre hypothèse avancée pour expliquer l'hécatombe. D'autres volcanismes de traps ont pu être associés à des extinctions majeures : ceux de Sibérie, d'une épaisseur de 3700 m de lave sur 350.000 km², expliqueraient ainsi la disparition de 95 % des espèces voici 248 millions d'années. Le fonctionnement de ces gigantesques "points chauds" est encore énigmatique et leur périodicité difficile à établir...  (A.Kh.)

La Bombe à retardement des Supervolcans

La dernière éruption du supervolcan Yellowstone, aux Etats-Unis, remonte à 640.000 ans. Un autre type de volcanisme catastrophique pourrait un jour bouleverser la planète entière : les supervolcans, immenses et invisibles, qui dorment des millénaires durant. Le point chaud dans ce cas, emplit au fil des siècles une chambre magmatique souterraine immense, à quelques kilomètres sous la surface. Le plus connu des supervolcans ? Yellowstone, aux Etats-Unis. Au cours des deux derniers millions d'années, ce supervolcan s'est réveillé trois fois. La dernière éruption, qui a creusé un cratère de 85 kilomètres, a éjecté 2500 km³ de magma et enseveli tout le continent nord-américain sous une épaisse couverture de cendres. Au moment où les tremblements de terre se multiplient à Yellowstone, les spécialistes s'inquiètent. Et si le géant se réveillait ? Après tout, sa dernière éruption date d'il y a 640.000 ans, alors qu'il est censé se réveiller environ tous les... 600.000 ans. Si cela se produisait, nous affronterions une catastrophe planétaire, comme dans le cas du volcan Toba, entré en éruption il y a 75.000 ans à Sumatra. Il avait alors déversé 2800 km³ de laves et de cendres sur toute la région. Les cendres envoyées dans la stratosphère avaient entraîné un refroidissement de 3 à 10°C selon les latitudes.  (S.R.)

Une Fournaise Invivable

La Terre pourrait-elle se transformer en une fournaise invivable comme Vénus, sur laquelle la température atteint 460°C ? Le mécanisme physique qui sévit sur cette planète nous est très familier : c'est l'effet de serre, qui a connu sur place un emballement. Comme la Terre, Vénus était, peu après sa formation, riche en eau. Mais, plus proche du Soleil, elle reçoit un flux de chaleur deux fois plus élevé que la Terre, ce qui a eu pour conséquence d'évaporer toute son eau. Or, l'eau joue un rôle complexe dans l'effet de serre : sous forme liquide, associée à la tectonique des plaques qui recycle la croûte, elle fixe le carbone et modère le réchauffement. C'est ainsi que sur Terre, les océans se comportent en "puits de carbone". Mais sous forme de vapeur, elle est un puissant gaz à effet de serre. Ainsi plus l'atmosphère s'échauffe, plus elle devient riche en vapeur d'eau et plus l'effet de serre s'emballe. Ce processus est baptisé "rétroaction positive" car l'effet amplifie la cause. Le seuil catastrophique de saturation en vapeur n'étant pas encore connu, on ne peut rien prédire pour la Terre...  (A.Kh.)

Une partie de Billard Planétaire

La Terre pourrait-elle un jour entrer en collision avec ses proches voisines, Mercure Vénus et Mars ? Oui, si l'on en croit une étude réalisée par Jacques Laskar et Mickael Gastineau, de l'observatoire de Paris. Pas de panique ! Cette éventualité ne devrait pas se produire avant 1,5 milliard d'années. Ces pronostics sont fondés sur la simulation de 2500 trajectoires possibles pour les prochaines cinq milliards d'années, en faisant évoluer les planètes à partir de 2500 points d'origine, distants entre eux de quelques mètres au plus, soit l'imprécision de notre connaissance actuelle sur la position de Mercure, par exemple. En outre, aucun élément connu qui pourrait perturber la ronde des planètes n'a été oublié, ni les effets gravitationnels de la Lune, ni les infimes déviations prévues par la relativité générale d'Einstein. Résultat : le premier trublion serait Mercure, avec une probabilité de 1 %, d'ici à 1,5 à 5 milliards d'années. Elle pourrait se comporter comme une boule de billard et semer la pagaille parmi les planètes telluriques du système solaire. Son orbite deviendrait de plus en plus excentrique et perturberait ses voisines. Des collisions surviendraient dans les 100 millions d'années après la déstabilisation de l'orbite de Mercure. Dans 5 cas sur 200, Mars serait éjectée. La Terre et Mars rentreraient en collision dans 29 cas sur 200 et Vénus et la Terre dans 18 cas sur 200. Mettons Mercure sous haute surveillance... Voir Nature du 11 juin 2009.  (A.Kh.)

L'Extinction du Soleil

Si l'humanité survit à toutes les catastrophes précédemment énoncées, elle n'aura aucune chance cependant d'échapper à la mort du Soleil. Notre étoile en est actuellement à la moitié de sa vie. Très économe, elle dispose encore d'assez de carburant (hydrogène) pour tenir au moins 5 milliards d'années... voire 7,6 milliards d'années si l'on en croit les récents calculs de Robert Smith et Klaus-Peter Schroeder, de l'université du Sussex (Royaume-Uni). Viendra le temps, cependant, où tout l'hydrogène du cœur aura été transformé en hélium. Les réactions thermonucléaires s'arrêteront alors et le Soleil n'aura plus d'énergie pour soutenir les forces de gravité qui le poussent à s'effondrer sur lui-même. Tandis que les régions centrales se contracteront et s'échaufferont, les régions externes enfleront, jusqu'à volatiliser Mercure et Vénus. Et même si la perte de masse du Soleil aidera la Terre à s'engager sur une orbite plus lointaine, l'intensification des vents solaires entraînera l'évaporation des océans, puis fera fondre les roches elles-mêmes. Au mieux, il ne restera plus qu'un trognon de planète...  (S.R.)

Et si l'Homme s'Autodétruisait ?

Les hommes sont parfaitement capables de se détruire eux-mêmes, sans intervention naturelle. Le progrès scientifique et technique est ainsi à la source de nombreux scénarios apocalyptiques crédibles. L'utilisation du nucléaire militaire et civil, des armes chimiques ou biologiques, sont de lourdes et réelles menaces. De nouveaux périls sont venus s'ajouter récemment, comme l'utilisation non maîtrisée des nanotechnologies : la manipulation de la matière aux échelles atomique et moléculaire, dont les propriétés physico-chimiques diffèrent de celles qui prévalent à plus grande échelle, laisse craindre le retour des apprentis sorciers. La dissémination de "poussières intelligentes" dont on perdrait le contrôle pourrait être risquée ainsi que des effets secondaires non maîtrisés, déjà pointés par les opposants à ces techniques et mis en scène par la science-fiction. Les biotechnologies - et surtout leur nouvel avatar, la biologie synthétique - ouvrent également la porte aux craintes de manipulations du vivant. Un virus mutant destructeur ne pourrait-il sortir des laboratoires ? En outre, la convergence de toutes ces techniques accroît leur danger potentiel. La création de "robots" dominant les hommes, ou l'apparition d'hommes modifiés génétiquement, neurologiquement et techniquement, sonnerait le glas de l'humanité telle que nous la connaissons.

"La notion de progrès scientifique emprunte au christianisme et au judaïsme leur conception de la temporalité. Nous vivons dans l'idée qu'il y a un début et une accumulation des choses. Mais nous oublions que cela implique aussi une fin. Or c'est ce destin que dessine le déferlement actuel du progrès avec le développement des systèmes techniques qui créent des situations non régulables", constate Michel Tibon-Cornillot, philosophe à l'EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales).  (D.L.)

"Les crises sont des périodes d'évolution accélérée"
JEAN DERCOURT Membre de l'Académie des sciences, Spécialiste en géologie des formations sédimentaires.

L'histoire géologique a été marquée par des extinctions massives d'espèces. Quel a été leur impact sur la biodiversité actuelle ?
Nous considérons que les espèces présentes aujourd'hui à la surface du globe, ne représentent que 1 % de toutes les espèces qui ont vécu dans le passé, au cours des temps géologiques. Cela signifie que 99 % des espèces apparues sur Terre se sont éteintes. Aucune n'a duré plus de 100 millions d'années. Il ne s'agit pas d'un processus linéaire, d'un appauvrissement continu, mais d'un renouvellement de la biodiversité lors de crises brutales. L'exemple des "plantes reliques" est éloquent : ces spécimens représentent des espèces ayant appartenu au passé. Ces plantes ont survécu aux extinctions car elles se sont adaptées aux nouvelles conditions environnementales par le biais d'une mutation génétique. Ainsi les crises sont des périodes de renouvellement de la vie, des périodes d'évolution accélérée, génératrices d'espèces.

Un cataclysme serait donc bénéfique pour renouveler les espèces ?
Tout à fait, car ces événements créent de l'espace pour permettre la prolifération de nouvelles espèces qui pourraient survivre à la crise en s'adaptant. Ces catastrophes préparent en quelque sorte le terrain pour un nouveau départ. La "faune relique" qui s'y réfugierait ne se retrouverait pas en concurrence avec d'autres espèces.

Quels sont alors les facteurs qui limitent ce renouvellement ?
Le premier facteur est la dégradation des biotopes. La déforestation, la désertification sont des processus qui détruisent l'habitat naturel des espèces. Le nombre d'individus diminue, l'espace colonisé se restreint. De ce fait, la probabilité qu'un spécimen puisse s'adapter à une future crise, diminue aussi.    Propos recueillis par Azar Khalatbari

SCIENCES ET AVENIR > Novembre > 2009
 
 

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