L'Homme de Flores - Homo Floresiensis
La Nouvelle Histoire de nos Origines

SCIENCE & VIE HS N°285 > Décembre > 2018

Homo Floresiensis - Âge : -100.000 à -60.000 ans

La découverte d'Homo floresiensis remonte à septembre 2003 dans une caverne de l'île de Flores, (est de Java, en Indonésie). Mais c'est seulement le 28 octobre 2004 que Peter Brown, Richard Roberts et Thomas Sutikna ont communiqué sur ce nouvel hominidé dans la revue Nature.

Les restes de sept individus ont été mis à jour : un crâne complet, sa mandibule, sa jambe droite, des mains, des pieds, des fragments de la colonne vertébrale, du sacrum, des clavicules et des côtes... Il sont datés entre -12.000 et -95.000 ans, laissant supposer une occupation continuelle de l'île pendant cette période. Un squelette presque entier - Les ossements les plus complets sont ceux d'une femme âgée de 30 ans (LB1, "EBU") dont la taille est estimée à seulement un mètre, ce qui est beaucoup plus faible que les autres hominidés de l'époque (1,60 m en moyenne). Son squelette est daté de -18.000 ans.

Un petit cerveau - Deuxième particularité, une capacité crânienne plus proche du chimpanzé que de l'Homo sapiens : 380 cm3... Cela n'enlève rien, par ailleurs, à ses capacités cognitives puisque de nombreux outils ont été retrouvés sur le site.
D'où vient Homo Floresiensis ? - Ses caractères propres, comme les proportions entre la face et le crâne, la flexion de la base de ce dernier ou des petites canines, évoquent clairement une descendance d'Homo Erectus et l'éloignent définitivement de l'espèce Australopithecus. On peut supposer que c'est une éruption volcanique, il y a 12.000 ans, qui a éradiqué tous les représentants de cette espèce insulaire.

Taille :
1,00 m
Poids :
16 - 28 kg
Localisation :
Indonésie, Île de Flores
Habitat :

Feux :
maîtrisés
Outils :
fabriqués

Île de Florès : Ici Régnait le Peuple Nain

T.C.-F. - SCIENCE & VIE N°1190 > Novembre > 2016

La Courte Existance de l'Homme de Florès

R.M. - SCIENCES ET AVENIR N°831 > Mai > 2016

L'Homme de Florès n'est pas un Sapiens
Cohabitation du Hobbit

R.M. - SCIENCES ET AVENIR N°829 > Mars > 2016
LA RECHERCHE N°511 > Mai > 2016

UNE PETITE TAILLE ET UN GRAND VOYAGEUR ?
On peut imaginer que l'homme de Flores a atteint l'île il y a 1 million d'années.

C'est l'isolement géographique et la limitation des ressources de l'île qui l'ont fait évoluer vers une petite taille (théorie dite de "nanisme insulaire"). Pour Anne Dambricourt-Malassé, paléoanthropologue à l'Institut de paléontologie humaine (IPH), "Cette petite pygmée nous apprend que l'intelligence humaine était déjà d'une formidable souplesse adaptative. On ne croyait pas ces humains capables de quitter l'Afrique et de naviguer"... Pour Florent Détroit (département de Préhistoire du Muséum national d'Histoire naturelle) si l'île de Java "...était accessible en période glaciaire", l'île de Flores n'a probablement jamais été connectée au continent. Pour Pascal Picq, "... L'homme est donc arrivé avec une embarcation, ou à la nage..." (dans Libération 29/10/04).
Cohabitation ? Cette nouvelle découverte démontre que 3 espèces différentes (au moins !) ont peuplé la terre au même moment : l'Homo sapiens, l'Homo Neanderthalensis et maintenant l'Homo floresiensis... Notre arbre généalogique ne cesse de s'enrichir...
D'autres trouvailles : On a également retrouvé sur le site plus de 20 outils en pierre, des restes de stégodons (éléphants nains) et de dragons de Komodo (sortes de lézard géants) qui renforcent la datation du fossile et donnent une idée de son environnement.
D'autres ossements et des dents de sept représentants d'Homo floresiensis sont actuellement étudiés.

L'HOMME DE FLORES EST BIEN A PART

Homme de Flores, Homo sapiens mal formé ou espète à part ?

Le débat s'enrichit l'analyse des os du poignet d'autres squelettes montre que la morphologie de cette articulation est atypique et moins mobile que chez Sapiens. La lignée de H. floresiensis pourrait ainsi être apparue avant la nôtre et celle de Neandertal.

E.R - SCIENCE & VIE > Mars > 2013

L'Homme de Flores

C'est une vaste cavité à flanc de colline visible au détour d'un étroit chemin. Des lianes tombent en guirlandes devant l'entrée que défend symboliquement un maigre barbelé. Ainsi apparaît au visiteur la grotte de "Liang Bua" sur l'île de Flores, dans l'Est de l'archipel indonésien.

"La grotte fraîche", en dialecte local, porte bien son nom. La faible lueur du jour qui pénètre dans la cavité humide souligne de curieuses formes verdatres ou orangées façonnées par l'eau et le temps, auprès desquelles une escouade de stalagmites et de stalactites monte la garde. A gauche en entrant, deux taches sombres sur le sol marquent l'emplacement des fouilles. C'est ici que des paléontologues indonésiens et australiens ont mis au jour les fossiles d'une espèce humaine inconnue jusqu'alors. Cette nouvelle espèce, ils l'ont nommée Homo floresiensis, l'homme de Flores.

L'EXISTENCE D'UNE AUTRE HUMANITÉ CONFIRMÉE : S'il s'agit d'une découverte extraordinaire aux yeux de la science, pour les habitants de l'île en revanche, l'existence d'une "autre humanité" est ancrée depuis longtemps dans la culture locale. Sur l'île indonésienne, les contes et les légendes ayant trait à des petits hommes qui auraient vécu cachés dans la forêt abondent ! A tel point que - le fait est exceptionnel - des scientifiques à l'origine de la découverte vont s'inspirer de ces histoires pour tenter d'en savoir plus sur notre surprenant cousin, et peut-être de repérer de nouveaux sites où celui qu'on a vite sumommé le "hobbit" de Flores aurait vécu. Un surnom emprunté aux personnages du Seigneur des Anneaux car ce qui frappe avant tout chez cet individu adulte, c'est sa taille minuscule de 1 mètre, son crâne modèle réduit de 380 cm3 - soit trois fois moins que celui de l'homme modeme, Homo sapiens -, et l'absence de menton, comme chez son ancêtre supposé Homo erectus. Autre donnée surprenante, cet individu aurait vécu il y a quelques milliers d'années. Autrement dit hier en termes d'évolution, à une époque où seule notre espèce est censée peupler la planète après la disparition de Neandertal survenue vers -27 500 ans. L'annonce de la découverte dans la revue Nature en octobre 2004 stupéfia la communauté scientifique ! Les sceptiques, nombreux à l'époque, estimèrent que ces os devaient appartenir à un pygmée ou à un homme modeme atteint de microcéphalie, une pathologie qui se caractérise entre autres par un volume cranien plus petit que la moyenne. Seulement voilà : l'argument ne tient pas car tous les ossements découverts - crane mais aussi mandibule, fémur, tibia - sont miniatures... Néanmoins, la polémique bat son plein jusqu'en octobre 2005, date à laquelle l'équipe à l'origine de la découverte publie un nouvel article annonçant l'exhumation, dans la même grotte, d'au moins sept nouveaux individus plus ou moins complets, tous pourvus des mêmes caractéristiques physiques : petite taille, petits membres... Certains vivaient il y a à peine 12.000 ans ! Les autres, dont les ossements ont été découverts dans des couches géologiques plus profondes foulaient déjà le sol de l'île voici environ 90.000 ans.
"C'est fantastique, s'enthousiasme Pascal Picq, paléoanthropologue au Collège de France. Cette seconde publication laisse maintenant peu de place au doute : l'hypothèse d'une pathologie comme la microcéphalie qui aurait duré plusieurs dizaines de milliers d'années au sein d'une même population ne tient plus. Une nouvelle espèce appartenant au genre humain a donc bien 'récemment' coexisté avec la nôtre. C'est une preuve, - une de plus -, que l'arbre généalogique de l'espèce humaine est beaucoup plus complexe et puis buissonnant que prévu.

LA PALÉONTOLOGIE LORGNE SUR L'ETHNOLOGIE : Personne en effet n'avait imaginé qu'une autre humanité ait pu côtoyer la nôtre dans un passé si proche ! Quelle était l'origine du nouveau venu dans la généalogie des hominidés ? Comment vivait-il ? Quand et pourquoi s'est-il éteint ? Autant d'énigmes auxquelles les scientifiques ont commencé à s'atteler. Jean-Jacques Hublin et Svante Paabo du Max Planck Institut, en Allemagne ont commencé à étudier l'ADN des fossiles afin de déterminer l'identité génétique de l'espèce puis d'évaluer ce qu'eux et nous pourrions avoir en commun. Mais les prélèvements d'ADN effectués sur l'une des molaires du premier individu n'ont pour l'instant rien révélé, les fragments étant plus endommagés que prévu. Ensuite, l'anthropologue Dean Folk, de l'université de Floride, a réalisé une étude de l'intérieur du crâne en vue de déteminer les capacités cérébrales d'Homo floresiensis. Selon cette équipe, la forme du cerveau, la position des lobes frontaux - aussi développés que chez les sapiens - prouveraient que l'individu en question était parfaitement normal, capable de réflexions complexes, de construire des outils, voire de parler..." Ce sont des indications importantes pour nous, précise le paléontilogue Gert van Den Bergh de l'université de Leiden, aux Pays-Bas. Elles montrent de façon indirecte qu'Homo floresiensis devait probablement même chasser des animaux pour le moins difficiles à tuer : des stégodons (des éléphants nains) et des komodos (des "dragons" géants) dont les restes ont été retrouvés dans les mêmes couches géologiques que lui."

LE PREMIER CAS DE NANISME INSULAIRE HUMAIN : Le phénomène de nanisme insulaire se produit sur de îles ou dans des régions du monde restées isolées si longtemps que des changements sont apparus chez les espèces qui y vivent. Il intervient quand les ressources en nourriture sont limitées ou lorsque les prédateurs sont nombreux et qu'une grande taille n'est plus un avantage pour survivre. Ainsi, au cours des millénaires, la selection naturelle peut conduire une espèce à évoluer vers une taille plus petite que son ancêtre tout en développant des caractéristiques biologiques et morphologiques spécifiques. C'est ce qui explique l'apparition sur l'île de Flores d'une espèce d'éléphants nains, les stégodons, et de cervidés modèles réduits. Pour le "dragon de Komodo", présent encore aujourd'hui sur l'île du même nom, à l'ouest de Flores, la logique est la même : l'absence de prédateurs et une nourriture abondante l'ont conduit à des tailles impressionnantes.
Certains spécimens dépassent 7 mètres. Si le phénomène est connu chez les animaux, c'est la première fois qu'on le remarque chez un représentant du genre Homo. Il implique que l'espèce humaine est, elle aussi, capable de "plasticité" et qu'elle répond à la pression de son environnement.

SCIENCE & VIE > Février > 2007

L'Homme de Flores est un être à Part

Les os du poignet d'Homo floresiensis viennent de révéler que cette espèce est bien distincte d'Homo sapiens, mettant fin à un long débat. Comparé à celui d'un Sapiens, le poignet de l'homme de Flores prouve que celui-ci est une espéce différente.

Nouveau rebondissement dans le passionnant débat sur l'homme de Flores : la morphologie de son poignet viendrait enfin de confirmer son statut d'espèce humaine à part, distincte d'Homo Sapiens. Depuis leur découverte en 2003, les restes de ce petit homme - mesurant 1 mètre - qui vivait il y a encore 18.000 ans sur l'île de Flores en Indonésie, divisent la communauté scienhfique. Est-ce un Homo sapiens atteint de microcéphalie ou de nanisme ou est-ce une nouvelle espèce, contemporaine de l'homme moderne ? Pour l'équipe de Matthew Tocheri, du Muséum d'histoire naturelle de Washington (États-Unis), c'est donc bien la deuxième hypothèse qui est la bonne. Après avoir modélisé en 3D trois os du poignet (le scaphoïde, le trapézoïde et le capitatum), les paléoanthropologues les ont comparés à ceux du chimpanzé, du gorille, de l'australopithèque, d'Homo habilis, de l'homme moderne et de Neandertal. L'analyse des chercheurs a révélé que les os de l'homme de Flores étaient morphologiquement primitifs, très proches de ceux des ancêtres de l'homme moderne et des grands singes et non d'Homo sapiens ou de Neandertal.

Conclusion de l'étude : "Homo floresiensis represente bien une espèce descendant d'un ancêtre homininé antérieur à l'apparition des hommes modernes et néandertaliens". D'Homo erectus par exemple ? Impossible de trancher puisque aucun os du poignet de cette espèce, ayant vécu de -1,8 million d'années à -250.000 ans, n'a jusqu'à présent été retrouvé. L'homme de Flores reste donc encore en quête d'identité...

E.H. - SCIENCE & VIE > Novembre > 2007

Mais Où le Classer dans l'Arbre Humain

Depuis la découverte sur l'île indonésienne de Flores, en 2003, des fossiles d'un petit homme qui aurait vécu il y a 13.000 ans, la même polémique qui avait été suscitée par Neandertal se répète avec Homo Floresiensis : s'agit-il d'un homme moderne atteint d'une pathologie ou d'une nouvelle espèce du genre humain, contemporaine d'Homo sapiens ? Des nouvelles études sur les os de l'étrange "hobbit" précisent le débat.

Les histoires de famille, c'est souvent bien compliqué... Avec ses zones d'ombre, ses disparitions inexpliquées, ses surprises, notre histoire, celle de la grande famille des hommes, n'échappe pas à la règle. Malgré tout, au prix de longues décennies de débats, les paléoanthropologues sont parvenus à un consensus : ils classent les différentes espèces d'hommes dans un arbre généalogique où les ancêtres de la lignée humaine et leurs proches parents sont apparus il y a environ 7 millions d'années (<-). Au fil du temps et de l'évolution, plusieurs espèces humaines sont nées, puis ont disparu. Ainsi, d'Homo habilis à Neandertal, en passant par l'homme de Dmanisi ou Homo erectus, plusieurs humanités ont peuplé la Terre. Dans cet arbre complexe, certaines branches se croisent, d'autres s'éteignent sans laisser de descendance, parfois même sans laisser de traces. Et jusqu'à présent, il était convenu que nous, Homo sapiens, étions les seuls à peupler la Terre depuis que Neandertal a disparu de la surface du globe, il y a environ 28.000 ans.

ÉNIGMATIQUE ET EMBARRASSANT : Mais voilà : un petit bonhomme vient depuis peu bousculer les certitudes chèrement acquises par la communauté scientifique. Son nom ? Homo floresiensis, plus simplement appelé l'homme de Flores, dont les restes ont été découverts en 2003 sur l'île éponyme, nichée dans l'est de l'archipel indonésien. Une incroyable découverte. Parce que les ossements exhumés par l'équipe de Mike Morwood, de l'université de Nouvelle-Angleterre, en Australie, et Tony Djubiantono, du Centre d'archéologie de Jakarta, témoignent d'un être dont les caractéristiques ont de quoi ébranler plus d'un spécialiste. Non seulement ses os fossilisés décrivent un adulte mesurant un mètre de haut avec un crâne tout petit, 380 cm³ - contre 1200 cm³ pour les hommes aujourd'hui -, mais, plus étrange encore, cet être aurait vécu très récemment, il y a à peine 13.000 ans. Une broutille à l'échelle de l'évolution, certes, mais un véritable coup de tonnerre pour les paléontologues. Car l'homme de Flores ne correspond à rien de ce qui était connu jusqu'à maintenant, il n'entre dans aucune case, bref ne s'accroche à aucune branche de notre arbre généalogique.
Le sujet est si riche, si passionnel aussi, que depuis octobre 2004, date de la publication de la découverte, il a suscité un grand nombre d'articles scientifiques parus dans les plus grandes revues spécialisées. C'est donc dans une atmosphère de controverse et de polémique que des centaines de chercheurs à travers le monde tentent de faire la lumière sur cet énigmatique "hobbit", comme l'ont surnommé les Anglo-Saxons pour reprendre le nom des créatures fantastiques de l'œuvre de J.R.R. Tolkien. Enigmatique, et surtout très embarrassant. Car l'homme de Flores dispose d'à peine un tiers de notre capacité crânienne, à peu de chose près celle d'un chimpanzé. Or, qu'il s'agisse d'Homo habilis, d'Homo erectus, ou de Neandertal, tous ont une capacité supérieure. Pour l'équipe de Mike Morwood, c'est là un signe que le spécimen LB1 (son immatriculation archéologique) est le représentant d'une espèce nouvelle.
"Sûrement pas !", répondent les sceptiques. Pour eux, cette petite capacité crânienne doit être interprétée différemment. Il ne peut s'agir que d'un Homo sapiens, un humain moderne donc, pygmée ou atteint d'une pathologie, la microcéphalie - une maladie rare qui implique chez l'homme un cerveau anormalement petit. C'est ce que propose Robert Martin, du Field Museum, à Chicago, après avoir réalisé un "endocrâne" de l'homme de Flores, une reconstitution en 3D de l'intérieur de la boîte crânienne. Mais les tenants d'une nouvelle espèce disposent d'arguments supplémentaires, et non des moindres... À commencer par la découverte, entre 2005 et 2008, des fragments de 17 squelettes dans la grotte de Liang Bua où ont été découverts les premiers ossements. Ils reposaient dans des couches géologiques datant de 95 000 ans et 12 000 ans avant notre ère.

NI PYGMÉE, NI MICROCÉPHALE : Ainsi, pour Pascal Picq, paléontologue au Collège de France, il n'y a pas de doute : "Certes ces ossements sont fragmentaires - il n'y a que deux crânes complets et deux mâchoires -, mais ils présentent des caractéristiques similaires à celles de l'homme de Flores, notamment une taille réduite et des proportions équivalentes. Difficile donc d'imaginer une pathologie qui aurait perduré 83.000 ans..." Ce n'est pas tout. Car la chercheuse américaine Dean Falk, de l'université de Floride, Rokus Awe Due et Wayhu Saptomo, du Centre d'archéologie de Jakarta, ont comparé l'endocrâne de l'homme de Flores à ceux d'un Homo erectus, d'un australopithèque, d'un Homo sapiens normal, de personnes atteintes de microcéphalie et de Pygmées. Leur verdict est sans appel : l'endocrâne et la forme extérieure du crâne montrent qu'il ne s'agit ni d'un Pygmée, ni d'une personne microcéphale. Les proportions du crâne et du corps le rapprochent d'un australopithèque, tandis que la forme de l'endocrâne seule le rapproche d'Homo erectus. Et Dean Falk d'ajouter : "C'était un individu normal. Qui plus est, la forme des lobes frontaux et temporaux montre que l'homme de Flores était capable de processus cognitifs complexes. Autrement dit, il avait la capacité cérébrale suffisante pour tailler des outils, et éventuellement s'en servir pour chasser."
C'est d'ailleurs bien ce que les paléontologues ont découvert à l'intérieur de la grotte : des pierres taillées attribuées à Homo floresiensis, des os d'éléphants nains, appelés stégodons, des os de dragons de Komodo - des varans géants pouvant atteindre 4 m de long. Pour Mike Morwood, "ces hobbits étaient capables de tailler des pierres et de chasser ! La preuve, les ossements de dragons de Komodo ou de stégodons retrouvés correspondent à des 'morceaux choisis'. Cela signifie qu'ils les ont chassés à l'extérieur, découpés, et amenés ici pour les manger".

ANTÉRIEUR AU GENRE HOMO ? Les sceptiques auraient-ils tort d'insister ? Pas encore. Car, en 2008, deux chercheurs, Peter Obendorf, et Ben Kefford, de l'University of Western Australia, relancent la polémique. Selon eux, les fossiles d'Homo floresiensis portent "des traces d'une insuffisance thyroïdienne causée par un grave déficit en iode de la mère pendant la grossesse". L'homme de Flores ne serait donc qu'un homme moderne atteint d'une pathologie endémique qui aurait pu perdurer plus de 80.000 ans. Pas de quoi remettre en question l'arbre généalogique de l'espèce humaine, encore moins de lui ajouter une nouvelle branche... La controverse bat son plein.
Pour tenter de faire taire ses détracteurs, l'équipe de Mike Morwood décide de pousser l'analyse des ossements plus loin. Elle transmet les restes de l'homme de Flores à une flopée de paléoanthropologues, à commencer par un spécialiste du poignet, une partie du corps qui en dit long sur nos origines... C'est ainsi qu'entre en scène Matthew Tocheri, anthropologue du National Museum of Natural History, à Washington. Lequel se montre catégorique : "Il n'y a pas de doute. La forme des os et des articulations du poignet est simplement 'primitive' et ne correspond pas à une pathologie d'homme moderne. Il ne s'agit pas non plus d'un Homo erectus, mais plutôt d'un individu encore plus archaïque dont l'origine est à chercher du côté des tout premiers hominidés en Afrique."
Ce que confirment les recherches de William Harcourt-Smith, de l'American Museum of Natural History, à New York, sur le pied de l'homme de Flores. "La forme du pied montre, comme on s'y attendait, que l'individu marchait bien 'debout' et non 'courbé', à l'instar des singes, reprend Matthew Tocheri. Surtout, le Pied est long proportionnellement au reste du corps. Il représente plus de la moitié de la longueur du fémur alors que, chez Homo sapiens, il est égal à la moitié. Il ne s'agit pas non plus d'une pathologie d'un homme moderne, car les proportions des os ne le font entrer ni chez les Pygmées, ni chez les personnes atteintes de nanisme. En fait, le pied est lui aussi 'archaïque'. Il ressemble à une combinaison entre celui d'un homme moderne et d'un australopithèque. Le gros orteil est presque 'préhensile', et certains os du pied, le tarse notamment, sont proches de ceux des grands singes !" De petits détails qui ont beaucoup d'implications sur la marche. "L'homme de Flores était bien bipède, poursuit le spécialiste. Mais il devait avoir une démarche légèrement saccadée, balancée, et il ne pouvait sans doute pas courir très vite."
A la lumière de ces nouvelles analyses, l'hypothèse d'un humain atteint d'une pathologie a du mal à résister. Pour l'heure, un fragile consensus s'impose auprès d'une majorité de scientifiques : Homo floresiensis témoignerait bel et bien d'une espèce nouvelle. Oui, mais... où la situer dans notre arbre généalogique ? C'est là que Peter Brown, l'un des découvreurs, pousse le raisonnement encore un peu plus loin. "Selon mon collègue Peter Brown, reprend Mike Morwood, l'homme de Flores présenterait un mélange de caractéristiques qui jusqu'à maintenant ont été associées à différents stades de l'évolution. Plus précisément, il ressemble à un mélange d'Homo habilis et d'australopithèque. Autrement dit, il ne s'agirait pas d'une espèce née in situ. Son origine est bien en Afrique, et ses ancêtres ont dû arriver à Flores et ses alentours il y a quelques centaines de milliers d'années, voire davantage. Ils y seraient restés isolés et auraient évolué des milliers d'années durant. Leur origine est peut-être antérieure à l'apparition du genre Homo."

FOUILLER L'IMAGINAIRE COLLECTIF : L'homme de Flores serait donc plus primitif encore qu'Homo erectus, à qui il a longtemps été apparenté. "Une origine si ancienne que le préfixe Homo devrait lui être retiré... Il faudrait peut-être l'appeler Australopithecus floresiensis", conclut le chercheur.
En attendant de pouvoir classer définitivement l'étrange petit être qui secoue notre arbre, les fouilles ont repris cet été dans la grotte de Liang Bua. Et, une fois n'est pas coutume, les paléontologues et les archéologues commencent également à fouiller... l'imaginaire collectif, les contes et légendes locales qu'on se raconte en famille. Ainsi, une anthropologue australienne vient de recenser une vingtaine de grottes dans lesquelles il se raconte qu'il y a bien longtemps auraient vécu des hommes tout petits et couverts de poils. Les données recueillies semblent si intéressantes que l'équipe de chercheurs australo-indonésienne a l'intention d'ouvrir un nouveau site de fouilles...

"UN PROFESSEUR POUR HOMO SAPIENS ?"
Les hommes modernes de l'île de Flores auraient-ils appris à fabriquer des outils grâce aux "hobbits" ? Surprenante, cette hypothèse a été proposée, en avril, par Mark Moore, de l'université de Nouvelle-Angleterre, en Australie, dans le Journal of Human Evolution. L'archéologue et son équipe ont analysé 11600 pierres et débris découverts dans Uang Sua. En comparant les outils attribués à l'homme de Flores (couches inférieures de la grotte) à ceux d'Homo sapiens (couches supérieures), ils se sont aperçus que leurs "modes opératoires" (le type de pierres utilisées, de morceaux conservés pour utilisation, la façon de les tailler) étaient très proches. Si proches que l'homme moderne pourrait avoir "appris" cette technique du hobbit. A moins d'une simple coïncidence - improbable selon les auteurs de l'étude -, cela impliquerait que les deux espèces se soient croisées...

Laurent Orluc - SCIENCE & VIE > Octobre > 2009

L'Homme de Flores : Il s'éloignerait un Peu Plus de Nous

Depuis huit ans, le mystérieux petit homme de FLores peine à trouver sa place dans l'arbre généalogique : nouvelle espèce ? H. sapiens "malade" ? Une nouvelle étude relance le débat.

Pour certains,son crâne est celui d'un H. sapiens malade, pour d'autres celui d'un cousin des australopithèques (1)... thèse étayée par l'aspect archaïque de ses membres (2). Les fouilles se poursuivent dans la grotte de Liang Bua : apporterontelles du nouveau ? (3)

De quelle branche perdue de l'humanité est-il issu ? S'agit-il bien d'une nouvelle espèce d'hominidés ? Ou d'un hommé moderne malade, comme l'ont imaginé certains paléontologues ? Huit ans après sa découverte en Indonésie, le petit homme de Flores fait de nouveau parler de lui. il faut reconnaître qu'avec son mètre de haut, son crâne de 380 cm³ - soit trois fois plus petit que celui d'un homme moderne normal - ses grands pieds et ses longs bras, le "Hobbit" comme l'ont surnommé les scientifiques, est bien mystérieux pour un fossile supposé être âgé de 18.000 ans...
En août, des chercheurs de l'université Columbia (New York) publiaient une nouvelle étude, à partir de scanners d'endocrânes (empreinte du cerveau dans le crâne) de l'homme de Flores, qu'ils ont comparés à ceux d'enfants et d'adultes modernes atteints d'une pathologie rare - la microcéphalie - d'hommes normaux, et d'Homo erectus. Sans conclure de façon définitive, ils estiment que "l'homme de Flores pourrait bien être un H. sapiens pathologique". En d'autres termes, il ne s'agit pas d'une nouvelle espèce... Mais d'autres chercheurs pointent que leurs mesures évoquent un australopithèque, le précurseur du genre Homo... Quelques semaines plus tard, lors d'un colloque à Leipzig, le débat rebondit : "Leur conclusion ne tient pas la route, affirme Debbie Argue de l'université Nationale australienne. L'endocrâne de l'homme de Flores a des caractéristiques très différentes des personnes atteintes de microcéphalie. Par ailleurs, sa mandibule présente un double renforcement au-dessus des incisives, caractéristique que l'on retrouve chez les tout premiers représentants du genre Homo".

UNE VASTE ÉTUDE EN COURS : Quant à son collègue Matthew Tocheri, du Smithonian Institute, à Washington, il a montré que les os du poignet avaient une forme proche de celle des singes et d'australopithèques, vieux de 3 à 4 millions d'années. L'homme de Flores semble donc s'éloigner de nous... sans que son origine ne soit encore tranchée (voir encadré). "Nous devons encore examiner d'autres hypothèses, précise Debbie Argue, comme celle d'un ancêtre proche d'H. erectus, qui aurait rapetissé du fait de l'insularité et du manque de nourriture au cours des millénaires. Ou même d'une espèce encore inconnue"...
Pour enfin attribuer une place dans notre arbre généalogique à cet énigmatique Hobbit, l'équipe vient de lancer une vaste étude comparative sur des fossiles crâniens, des mandibules, des dents d'Homo erectus, habilis, ergaster, afarensis et sediba. Une étude qui doit durer 3 ans... et qui permettra peut-être de résoudre deux autres mystères : D'où viennent les outils de 800.000 ans découverts sur l'île ? Et comment ces hominidés, dotés d'un cerveau aussi petit, ont-ils rejoint Flores ? Une île qui n'a jamais été rattachée à un continent...

UNE MIGRATION PEUT-ÊTRE TRÈS ANCIENNE
Homo sapiens serait sortie d'Afrique vers 60.000 ans, pour gagner l'Europe il y a 45.000 ans ; Une hypothèse battue en brèche. L'analyse du génome d'un ancien aborigène vient de prouver que cette population est arrivée en Australie il y a plus de 60.000 ans, soit avant l'Out of Africa officiel. En juin, le site géorgien de Dmanisi confirmait la présence stable sur place d'un autre humain, Homo erectus, il y a plus de 1,7 millions d'années. Voilà qui fait écho à l'idée, non confirmée, que Flores lui-même pourrait être issu de voyageurs vieux peut-être de 2 millions d'années - le genre Homo n'existait pas encore. E.R.

L.O. - SCIENCE & VIE > Novembre > 2011

L'Homme de Flores

L'île de Flores est à l'est de la ligne de Wallace, dans une région de l'Asie probablement jamais reliée au continent et qui pourrait bien donner naissance à sa propre faune caractéristique.

Selon les chercheurs, les sédiments de Liang Bua, "Cold Cave", dans la partie nord-ouest de Flores, ont environ 95.000 ans.

Déjà à cette époque vivait sur cette île le petit Homo floresiensis, ou "hobbit".

Vue sur le village de Ruteng, dans la partie ouest de l'île de Flores, en direction de la grotte de Liang Bua, située à 14 km plus au nord. L'entente d'aujourd'hui remonte à il y a 11.000 ans l'extinction du dernier hobbit.
Couvrant une superficie de deux mètres par deux, de profondes fosses sont creusées jusqu'à 16 mètres. La terre enlevée, tamisé avec soin, est recueillie derrière des sacs de sable et, à la fin de la saison, réinjecté dans les puits.
Reconstruction basée sur la réplique du crâne LB1 (ou Edu) est une femme de 30 ans datant de 18.000 ans. C’est le squelette le plus complet que l’on ait retrouvé dans la grotte de Liang Bua.
 
Homo erectus est le premier hominidé à avoir quitté l'Afrique. En Asie, les traces remontent à il y a 1,8 millions d'années. Les scientifiques se demandent si c'est l'ancêtre de l'Homo floresiensis ou si il ya eu une espèce humaine émigré à une époque antérieure.
A Flores, au cours du Pléistocène, on a pu observer des proportions inhabituelles. Les hommes et les éléphants étaient plus petits qu'ailleurs, les rats et les cigognes étaient géantes. Un exemple typique d'adaptation aux conditions particulières de la vie sur une île si éloignée.
   
GÉO ITALIE N°94 > Octobre > 2013
 
 

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